« Si tu es homme d’amour, donne toi un peu de joie
Sinon, va chercher la prospérité.
Ne crains pas de l’affection qu’elle te déborde
Tu resteras, même si elle t’annihile...
Elle te fera connaître le Vrai
Elle te délivrera de toi même
Car il n’y a pas d’issue en toi-même
Et cela, seul le non-soi le sait...
Le musicien ne reste jamais silencieux
Seulement, l’oreille n’est pas toujours à l’écoute
Quand les coeurs troublés s’enivrent
De la musique du moulin à eau
Comme le moulin ils deviennent tournoyants
Et comme lui, ils se mouillent de larmes ...
Le monde est motion, transe, ivresse
Mais que peut voir l’aveugle dans ce miroir ?
Ne vois tu pas le chameau qui danse et gigote
Au chant du petit enfant arabe ?
Même le chameau est gagné par la transe !
Si l’homme n’en est pas ému, c’est qu’il est moins que bête. »
Mosleh-od-Dîn SAADI (poète persan du 13ème siècle), Boustân.
NB : Le mot (arabe) Samâ’ que nous traduisons ici par transe, signifie le chant, le concert, mais aussi l’écoute. Chez Avicenne, il sert à définir la physique (science du Samâ’ naturel), et dans la poésie, il désigne la transe (des derviches tourneurs) et plus généralement toutes les motions et émotions consécutives à des excitations sensibles.
Depuis quelques mois, il y a beaucoup d’activité autour du 800ème anniversaire de Mowlânâ Jalal al-Din Rumi (dit aussi Mowlavi). Les conférences et publications se préparent fébrilement et il y a même des agences de tourisme qui proposent un circuit spécial Mowlavi allant de Balkh à Konia. Parmi ces manifestations, la fondation Iran Heritage et le British Museum ont organisé un colloque qui s’est tenu à Londres les 13, 14 et 15 septembre sous le titre : Wondrous Words : The Poetic Mastery of Jalal al-Din Rumi. Alberto Fabio Ambrosio y proposait une intervention sur la métaphore du Samâ’ chez Djalâl al-Din Rumi. En attendant la publication des actes de ce colloque, voici le résumé de son intervention :
« Mowlana Jalal ad-Din Rumi’s metaphor of sama »
Alberto Fabio Ambrosio, University of Paris (Sorbonne), France« In the works of Mowlana Jalal ad-Din Rumi, the practice of sama, the mowlawi sufi dance that was introduced by Shams ad-Din Tabrizi, is not just a ritual or a dance. As a matter of fact, in a general overview of the secondary literature regarding Rumi’s works, there are just a few articles on this subject and Rumi’s practice and metaphor of sama is not very well known. Sama is more than an action for Rumi : In his mind it is also a metaphor - even a metaphor for the Divinity. In any case, it is an image that creates a deep impression. The aim of this contribution is twofold : To analyse and synthesise Rumi’s thought concerning sama, and also to present one of its most important commentators and followers, Isma’il Anqarawi (d. 1631 in Istanbul). In an article published in Turkey in 1964 about the sama at the time of Mowlana Rumi, Tahsin Yazici, a Turkish scholar, suggested that the historical development of the sama ceremony still needed to be studied. From that time to the present, some enquiries have been made about the ritual evolution of the mowlawi sufi dance but it still remains to be seen if this evolution corresponds to Rumi’s thought. This paper concentrates on singling out the metaphorical fields of sama in Rumi’s works and how they have been interpreted and realized by his followers ».
A titre de pense-bête pour moi-même, je note ce copieux article de Âref Zamâni intitulé Mowlânâ va raghs-e Samâ’ (Mowlânâ et la danse du Samâ’), publié le 5 juillet 2007 sur le site Ghonieh (Konia) qui est entièrement consacré à l’étude de Mowlavi.
Et puis ne négligeons pas la connaissance triviale qui est souvent fort éloquente dans sa simplicité. Voici comment Amir Ali Riyazi représente la pratique du samâ’ depuis le point de vue de l’exécutant : c’est une vision giratoire.