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"Les interprètes ne décodent pas les poèmes : ils les font"

Publié le lundi 16 novembre 2009

« L’interprétation n’est pas l’art d’analyser (construing) mais l’art de construire (constructing). Les interprètes ne décodent pas les poèmes : ils les font (they make them). »
[-]
« La conclusion est donc que tous les objets sont faits et non trouvés, et qu’ils sont faits par les stratégies interprétatives que nous mettons en œuvre. Pour autant, je ne suis pas condamné à la subjectivité dans la mesure où les moyens par lesquels ces objets sont faits sont sociaux et conventionnels. Autrement dit, le « vous » qui réalise le travail interprétatif qui met les poèmes [-] dans le monde est un vous communautaire et non un individu isolé. Nul d’entre nous ne se réveille le matin et, à la française, réinvente la poésie ou conçoit un nouveau système éducatif ou décide de rejeter la sérialité au profit d’une forme d’organisation autre, entièrement originale. Nous ne faisons rien de tout cela parce que nous ne pourrions pas le faire, parce que les opérations mentales que nous pouvons exécuter (perform) sont limitées par les institutions dans lesquelles nous sommes déjà inclus. Ces institutions nous précèdent, et c’est seulement en les habitant, ou en étant habités par elles, que nous avons accès aux sens publics et conventionnels qu’elles produisent. Ainsi, s’il est vrai que nous créons la poésie [-], nous la créons au moyen de stratégies interprétatives qui ne sont finalement pas les nôtres, mais qui ont leur source dans un système d’intelligibilité de disponibilité publique. Dans la mesure où le système (un système littéraire, dans ce cas) nous contraint, il nous façonne également, en nous munissant des catégories de compréhension avec lesquelles nous façonnons à notre tour les entités que nous pouvons alors désigner. En bref, à la liste d’objets fait ou construits, nous devons nous ajouter nous-mêmes, puisque, tout autant que les poèmes et les sujets de devoir, nous sommes les produits de schèmes de pensée sociaux et culturels.

Formuler le problème de cette manière revient à comprendre que l’opposition entre objectivité et subjectivité est fausse puisque ni l’une, ni l’autre n’existe dans la forme pure qui donnerait sa valeur à l’opposition. »

Stanley FISH, « Comment reconnaître un poème quand on en voit un », publié en ligne par Vox Poetica, extrait de l’ouvrage de Stanley FISH Quand lire c’est faire. L’autorité des communautés interprétatives, Éditions Les Prairies 0rdinaires (traduit de l’anglais par Étienne Dobenesque ; préface de Yves Citton), 2007.



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