« Assumer le « je », au contraire, n’est pas de l’impudeur ou du nombrilisme, c’est accepter la réalité d’une implication : nous sommes poussés, attirés, par certains objets, par certains sujets d’étude ou de recherche, qui ne sont jamais vraiment choisis par hasard. Il y a un investissement dans la recherche – pas seulement en sciences humaines et sociales, mais a fortiori en sciences humaines et sociales – et cette attirance, ce tropisme pour certains sujets, fait partie de la manière dont on les traite. Dire « je » manifeste plutôt de la rigueur ; c’est l’exigence de produire, en même temps que le résultat d’une recherche, ce qui l’a portée, ce qui l’a poussée, ce qui a pu à un moment l’infléchir et qui tient aussi à l’histoire, à la sensibilité, à l’identité du chercheur. C’est une manière d’objectiver la part de subjectivité dans la recherche. Cela me semble important, rigoureux et honnête. »
Nicole LAPIERRE, « Eloge de la bâtardise », Entretien avec Ivan Jacoblonca, in La Vie des Idées, 28 mai 2010