« L’idée que le Moi se constitue par la connaissance immédiate qu’il s’acquiert de lui-même au moyen de la réflexion engendre pourtant des paradoxes que l’idéaliste allemand J.G. Fichte a eu le grand mérite de mettre en lumière. C’est que pour faire retour sur soi-même, afin de se connaître, le Moi doit déjà exister, et ce non seulement parce qu’il doit déjà être là pour exécuter un tel acte réflexif, mais aussi parce qu’à titre d’objet il se trouve visé en tant qu’il existe indépendamment de cet acte. » (p. 46)
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« Je crois que ces difficultés se dissipent dès lors que nous rompons avec le présupposé qui sous-tend les deux réponses évoquées, présupposé qui a été dominant dans la tradition philosophique en général, à savoir que le rapport à soi constitutif du Moi doit être un rapport de connaissance. En réalité, il est de nature pratique ou normative. Le rapport à nous-mêmes qui fait de chacun de nous le Moi qu’il est, rapport que personne d’autre ne peut donc assumer à notre place, consiste en ce que nous nous engageons, dans tout ce qui fait partie de notre vie mentale, à suivre des raisons de pensée et d’action. Toute croyance et tout désir, avant de devenir de façon quelconque un objet de connaissance, renferme déjà un tel rapport à nous-mêmes. Car nous ne saurions croire ceci ou désirer cela sans l’engagement de nous comporter conformément à la vérité supposée de la croyance ou à la valeur présumée de l’objet du désir. Cette conception, on le verra par la suite, a d’ailleurs l’avantage de faire comprendre que la façon dont nous sommes incontournablement des sujets exclut d’entrée de jeu que nous soyons ces êtres souverains ou autonomes dont des "philosophies du sujet" ont si souvent rêvé. » (pp. 47-48)

Charles LARMORE. Vincent Descombes et Chales Larmore, Dernières nouvelles du Moi, présenté par Jean-Cassien Billier, PUF, 2009.