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L’écoute parle

Publié le lundi 22 novembre 2004

« ... se boucher les oreilles comme les hommes d’équipage, user d’une ruse et faire preuve de lâcheté comme Ulysse, ou répondre à l’invite des sirènes et disparaître. Ce qui est ainsi révélé, c’est une écoute non plus immédiate mais décalée, portée dans l’espace d’une autre navigation "heureuse, malheureuse, qui est celle du récit, le chant non plus immédiat mais raconté". »
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« ... par définition, l’écoute était appliquée ; aujourd’hui, ce qu’on lui demande volontiers, c’est de laisser surgir ; on en vient de la sorte, mais à un autre tour de la spirale historique, à la conception d’une écoute panique, comme les Grecs, du moins les Dionysiens, en eurent l’idée. »
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« ... il faut le répéter, l’écoute parle. De là un mouvement s’esquisse : les places de parole sont de moins en moins protégées par l’institution. Les sociétés trditionnelles connaissaient deux places d’écoute, toutes deux aliénées : l’écoute arrongante du supérieur, l’écoute servile de l’inférieur (ou de leurs substituts) ; ce paradigme est contesté aujourd’hui, d’une façon, il est vrai encore grossière et peut-être inadéquate : on croit que pour libérer l’écoute, il suffit de prendre soi-même la parole - alors qu’une écoute libre est essentiellement une écoute qui circule, qui permute, qui désagrège, par sa mobilité, le réseau fixe des rôles de parole : il n’est pas possible d’imaginer une société libre, si l’on accepte à l’avance de préserver en elle les anciens lieux d’écoute : ceux du croyant, du disciple et du patient. »

Roland BARTHES et Roland HAVAS, "Ecoute", Encyclopédie Einaudi 1976, in Roland BARTHES, L’obvie et l’obtus, essais critiques III, Editions du Seuil, 1982, pp. 217-230.



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