Le printemps semble réussir au Générateur Poïétique, voilà les rendez-vous qui bourgeonnent comme les crocus après la neige.
Au programme :
Le Samedi 19 mars à 13h 30 ("A la Conquête Du Web" à l’initiative de Loredana Gatta et de Vita Coppola )
Le Mercredi 23 mars à 19h (dans le cadre de la fête de l’internet, et de l’exposition Copyleft organisée par Antoine Moreau à l’Espace Culture Multimédia Elmediator de Perpignan)
Pour participer aux sessions d’improvisation collective, rendez-vous en ligne sur le Générateur Poïétique
D’autres sessions sont en préparation, notamment pour les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
Mais ce n’est pas fini. Le jeu continue après le jeu :
ceux qui aiment raconter et réfléchir à partir de l’expérience collective du Générateur Poïétique, peuvent apporter leur contribution dans le fil de ce forum
ceux qui souhaitent participer aux développements futurs du Générateur Poïétique, peuvent apporter leurs suggestions sur le GPWiki.
Dimanche, Jean Luc Raymond me signalait cette dépêche de l’AFP qui taille une belle place au Générateur Poïétique :
« Internet : les artistes font de la toile un lieu de création collective »
Hier, Olivier Auber relevait toutes les occurrences de l’article. Wow ! quel succès !
L’article débouche sur la question : « qui, de l’artiste ou de l’internaute, est le créateur de l’oeuvre ? »
Si vous n’avez pas d’idées, voilà de quoi nourrir d’interminables discussions pour animer vos forums. Parce que bien entendu, cela dépend des cas, et de qui fait quoi et selon quel degré de déterminisme ou d’initiative, et de ce qui ne se fait pas et de ce qui reste, et de ce qui fait oeuvre dans cette affaire, et des définitions permettant d’établir une gradation allant du méta-créateur au sous-créateur...
Autant se demander qui de l’oeuf ou de la poule, du coq ou du poussin est fait par l’autre.
Le problème avec ce genre de discussions, c’est de trouver le moyen d’y mettre fin.
En l’occurrence ici, la question ne fait pas débat, puisqu’en sa formulation, elle équivaut à l’attrape nigaud du cheval blanc d’Henri IV.
Ouf ! on l’a échappé belle !
Qu’est-ce qui est plus intéressant ? jouer au GP ou bien participer au remue méninge du GP wiki ?
Je ne sais plus.
La session du 19 n’était pas terrible, il y avait peu de monde, et dans le nombre, des timides qui osaient à peine jouer.
Je me suis dit, il faut trouver des trucs qui dynamisent le jeu. Allons bidouiller sur le GP wiki qui est là pour ça.
Alors j’ai cogité cette affaire du GP sphérique, une vague idée, presque une blague, lancée au détour d’une discussion, sans doute suscitée par l’image concave qu’Olivier avait mis sur la page d’accueil de son site. Et là, je dois dire que je me suis bien amusée, surtout grâce à Sylvie Bourguet qui me poussait à affiner la chose en demandant des explications. Bon, maintenant Olivier en fera ce qu’il voudra, c’est son affaire.
Mais ce qui s’est passé là, suit exactement le même processus que dans le jeu graphique, quand un barbouillage de pixels posés au hasard, se met à raconter quelque chose grâce à l’écho qu’en donnent les autres joueurs. Ça raconte quelque chose, oui, mais pas avec des mots : avec des formes. Et ça raconte parce que c’est adressé et mis en forme par plusieurs joueurs à la fois ; ils produisent ainsi une entente, un sens partagé de la forme. Le sens se construit peu à peu, dans les subtils allers retours qui par petites touches, insufflent à ce gazouillis d’abord informe, des hypothèses d’interprétation qui se précisent et se modifient par l’ensemble des joueurs.
Sans doute n’ai-je pas assez vécu pour être blasée.
Je reste fascinée par ce moment magique où quelque chose qui ressemble à un projet commun émerge du chaos. C’est un mouvement de bascule toujours surprenant et jubilatoire. C’est ce qui donne un sens au jeu de la vie. J’ai beau rouspéter en disant que le GP pompe du temps et de l’énergie, j’y reviens quand même, parce qu’après tout, la vie aussi est un jeu.
Hier, longue session de presque deux heures. Ce n’était pas encore la méga-session espérée par Olivier[1]. Apparemment, un certain nombre de personnes n’ont pas pu se connecter ; le serveur saturait et nous avons plafonné avec une petite vingtaine de joueurs. Malgré les distraits qui laissent leur jardinet en friche pour vaquer à d’autres occupations, il y a eu encore une fois, quelques beaux moments. Rien de spectaculaire, pas de flash-mob totalisant emportant le collectif dans une de ces chorégraphies globales menées à coup de baguette qui pour être invisible n’a rien de magique. Non, juste quelques personnes qui de part et d’autre de l’échiquier ont su parfois être à l’écoute.
[1] Je ne suis pas encore convaincue de l’intérêt de faire des méga-sessions. Mais Olivier est curieux de voir comment se déroule une improvisation collective avec plus de 30 ou 50 joueurs. Je comprends sa curiosité, mais je me demande si l’observation de la blogosphère ne peut pas donner une préfiguration de cette dynamique. Cependant, le plus difficile reste de rassembler autant de personnes capables de faire confiance au langage des formes en se passant des mots. Cela paraît tout bête, mais finalement, j’ai l’impression que ça ne court pas les rues.
Rapide copié collé en guise de réponse :
http://autrans.crao.net/index.php/G%E9n%E9rateurPo%EF%E9tique
Ce qu’ illustre bien le GP c’est que les Territoires doivent être considérés à travers des formes de présences. La qualité du rendu du GP varie avec le nombre de participants, la quantité devient un gage de qualité, en l’occurrence elle permet d’augmenter la résolution d’une image. Le grain de l’image est fonction du nombre de participants qui n’ont individuellement aucune maitrise sur ce paramètre puisqu’il dépend de tous. On peut envisager les territoires comme autant d’images de plus ou moins bonne résolution.... :)
Et au passage je suis tout à fait d’accord avec toi à propos de l’analogie entre ce que permet l’application GP et ce que permet un wiki tel que le GP wiki ... les deux nous offrent des expériences de ce que la collaboration peut produire..., ils nous offrent des espaces d’apprentissage pour le développement de l’intelligence collective c’est à dire une intelligence orientée vers la création de biens communs ... Je ne suis pas encore blasée non plus ;)
Hum... J’espère que l’intérêt d’une méga-session ne se limite pas à produire une meilleure résolution d’image. Si les participants n’étaient là que pour donner chair et texture à une image quelconque ce serait tout simplement effroyable. Voir par exemple le travail de Spencer Tunick dont je parlais à propos de flashmobs.
Je suis la première à admettre que sans la participation des volontaires qui se prêtent au jeu, les oeuvres du type de ceux de Tunick ou d’Olivier Auber n’auraient tout simplement pas d’existence, à moins d’en exposer le projet comme on exhibe un embryon dans un bocal de formol.
Cependant, hormis cette dépendance au bon vouloir des participants qui constitue le point commun de nombreuses propositions artistiques actuelles, il me semble qu’il y a de grandes disparités parmi celles-ci. Un des critères de distinction serait le rôle plus ou moins accessoire que le dispositif assigne au contributeur. L’autre serait l’intérêt que revêt l’expérience même de cette participation pour chaque contributeur. Le dernier serait l’intérêt du résultat final pour des tiers.
C’est qu’il ne suffit pas de prêter corps à un projet pour donner un sens à ses actes. Les figurants des installations de Spencer Tunick restent nus, ils illustrent un concept prêt à porter, ils l’habillent, mais eux, restent nus.
Fort heureusement, le GP n’est pas assimilable aux travaux de Spencer Tunick ni aux flash-mob. Il pourrait le devenir si l’on faisait un usage plus autoritaire de la boîte de dialogue en transmettant un mot d’ordre aux joueurs, comme cela se fait par exemple avec « the smaller picture » de Kevan Davis, qui au demeurant, ne donne pas des résultats très intéressants[1]. Quand le dessein est prédéterminé et que le participant n’a pas d’autre rôle que de l’incarner, le jeu perd tout son intérêt. Il n’est plus question alors de joueurs mais de simples exécutants. C’est une des raisons pour lesquelles sur le GP, je préfère ne pas trop faire usage de la boîte de dialogue ; j’aime que tout se construise par l’image et les formes. Dans les sessions auxquelles j’ai participé je n’ai jamais vu des mots d’ordre circuler dans la boîte de dialogue, et c’est tant mieux.
Pour revenir à mes doutes sur les méga-sessions, il me semble que l’on atteindrait un seuil critique quand la facture deviendrait texture. Pour reprendre la terminologie de Benjamin Buchloh, c’est dans les relations que la micro-structure entretient avec la macro-structure que les choses sont intéressantes. Si ce que réalise chaque participant descend en dessous du seuil de ce qu’on peut reconnaître comme une micro-structure, et s’il n’y a pas un dessein commun prédéterminé, alors on aboutit à un chaos informe, à du bruit. Si la facture ne contribue pas à déterminer ce dessein commun, si elle devient une simple texture, alors le joueur ne peut plus reconnaître un sens à ce qu’il fait. Et dans ce cas, il n’a plus aucune raison de continuer à s’intéresser au jeu.
Très prosaïquement, l’interface actuelle du GP ne permet pas de travailler avec plus de 30 joueurs tout en gardant une certaine visibilité de la place que l’on occupe par rapport à ses voisins (le 23 mars, à partir de 18 participants, j’avais du mal à zapper visuellement entre la fenêtre commune et ma petite fenêtre individuelle). Au delà de 30 ou 50 joueurs, les pixels que l’on pose seraient tellement petits et insignifiants, que chaque joueur perdrait de vue le sens même de ce qu’il construit. A partir de là il n’aurait que deux choix : soit peaufiner son petit dessin dans son coin (que personne ne voit tant c’est petit), soit poser des pixels à l’aveuglette, car il ne voit pas bien l’effet de son travail sur la composition globale tant sa contribution est noyée dans la masse.
A moins d’ajouter une fonction Zoom au GPsphérique (Ho ! tu m’entends Olivier ?).
Cela dit, je reconnais que dans les conditions démographiques actuelles c’est important d’apprendre à penser et agir avec le nombre et même avec la masse. Ce sont des conditions sans précédent, et nous n’avons pas de modèles pour penser l’interaction sociale à cette échelle. Nous ne disposons que du contre modèle des totalitarismes. Donc, il faut effectivement tenter des expériences comme les méga-sessions du Générateur Poïétique pour se faire les dents et pour observer ce qui se passe, mais en restant vigilants. L’intérêt d’un jeu, c’est qu’il nous apprend à vivre en reproduisant sur un registre ludique des conditions que nous avons à affronter dans la réalité. Le GP est un bon observatoire pour cela.
[1] voir l’article de Clive Thompson :
Art Mobs ; Can an online crowd create a poem, a novel, or a painting ? juillet 2004