« Avant de soulever des questions comme "Qu’est-ce que le bonheur ?", "Qu’est-ce que la justice ?", "Qu’est-ce que le savoir ?", et ainsi de suite, il faut avoir été heureux et malheureux, avoir assisté à des actes justes et injustes, connu le désir de savoir, tantôt satisfait, tantôt frustré. De plus, il faut, en esprit, revivre l’expérience directe après avoir quitté les lieux où elle s’est déroulée. Une fois de plus, chaque fois qu’on pense, on repense. A répéter en imagination, on dé-sensorialise ce qui était pour les sens. Et c’est seulement sous cette forme dé-sensorialisée que la faculté de pensée peut commencer à aborder ces données.
[-]
Même le récit de ce qui s’est passé, que l’histoire le rapporte exactement ou non, est précédé de l’opération de dé-sensorialisation. Le grec inclut cet élément de temps jusque dans son vocabulaire : le mot "savoir", je l’ai déjà fait remarquer, dérive de "voir". Voir se dit idein, savoir eidenai. C’est à dire avoir vu. On voit d’abord, et puis on sait.
Pour adapter ceci à notre propos : toute pensée se dégage de l’expérience, mais aucun fait d’expérience ne fournit de signification ou même de cohérence à moins d’avoir subi les processus d’imagination et de pensée. »
Hannah ARENDT, La vie de l’esprit, Paris, P.U.F. 1981, pp. 119-120
L’exercice de la transactivation convertit des situations en expériences vécues et racontées.
Les transactiveurs portent leur attention à toutes sortes de situations susceptibles de constituer à leurs yeux, l’objet d’une expérience esthétique intéressante. Leur choix ne se limite pas au champ balisé de l’art, mais s’élargit également à des situations rencontrées ou inventées.
Leur activité se fonde sur l’hypothèse que l’accomplissement d’un travail artistique réside dans ses multiples transactivations, c’est à dire les actes de réception, d’exploration et de coopération qui contribuent à donner vie et consistance à des situations.
En rapportant leurs expériences personnelles à travers des récits critiques, en écrivant et réfléchissant ensemble sur les implications idéologiques de leur travail, les transactiveurs souhaitent former un relais ouvert aux nouveaux contributeurs qui se reconnaîtront dans le désir de privilégier une approche plurielle, subjective et investie de l’art.
Les membres de transactiv.exe n’ont pas forcément de certitude quant à leur statut (artiste, critique, chercheur ?). Par contre, ils ont conscience de participer pleinement à la vie artistique par leur goût de l’expérimentation et leurs qualités d’agents sensibles.