Vous écrivez
" Les licences CC sont rédigées pour être adaptables à la législation du pays où elles auront à s’appliquer. De ce fait, leur interprétation reste quelque peu flottante, surtout si l’on se place dans le contexte déterritorialisé du web. Pour parer au mieux à d’éventuelles variations d’interprétation, ces licences doivent tout dire en détail. Leur rédaction s’en trouve singulièrement embourbée et redondante, à moins que cela ne soit dû au trop grand nombre de spécialistes qui ont travaillé dessus, car en comparaison, les licences de la Gnu FSF qui sont conçues sur le même principe sont peut-être fastidieuses, mais assurément plus didactiques"
N’est-ce pas un peu tordu de critiquer http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/legalcode pour sa complexité, sans même mentionner l’existence de http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/ , très claire pour le profane - alors que si on clique sur le logo d’une licence CC, c’est la version pour le profane qui apparaît d’abord ? Et côté didactique, cf les explications en BD des licences CC.
Vous écrivez aussi :
"La CC attribution, non commercial, share alike est une licence semi-libre en ce qu’elle autorise les copies, les modifications, et leur diffusion, mais à l’exclusion de toute utilisation commerciale."
Là, c’est vous qui vous éxprimez mal : la clause non commercial n’exclut pas l’utilisation commerciale comme votre phrase pourrait le faire croire et l’a fait croire : une discussion absurde est née du malentendu causé par votre formulation en avril dans une association dont je fais partie.
Au début, certains parlaient de "commerce interdit" et ressortaient les arguments "free as in freedom pas free as in free beer" "démonisation de l’argent". Voir http://www.cooperation.net/info/111665.html .
Il a fallu plusieurs e-mails pour leur faire comprendre que, comme vous l’expliquez vous-même ensuite, mais trop tard, cette clause signifie uniquement que l’utilisation commerciale n’est pas autorisée automatiquement, mais qu’elle doit être demandée, comme dans le cas d’un copyright traditionnel.
Ils ont alors utilisé votre argument suivant :
"A terme, si un travail dérivé qui arrive en bout de chaine d’une série de dix dérivations devait être commercialisé, il faudrait remonter toute la chaîne des auteurs et des ayants-droits pour négocier avec chacun l’autorisation d’un accord de commercialisation"
Est-ce si dramatique ? Toutes les nouvelles licences CC (1) ont la clause "attribution" - il suffit donc d’envoyer la même requête à tout le monde en même temps. C’est bien plus compliqué sous le régime traditionnel.
Si je dis que votre formulation malheureuse de la clause "non commercial" est cause de cette discussion, c’est que j’ai reconnu dans votre article des phrases réutilisées par les participants dans leurs e-mails - et qu’il est cité (2) par l’un d’eux (section "useful links") dans une récente - et plutôt embarassante - lettre ouverte : Creative Common : Liberticide in long terms ? Open letter to Larry Lessig and CC promoters.
Alors avant de critiquer les licences CC pour "leur rédaction ... singulièrement embourbée", simplifiez la vôtre, s’il vous plaît.
Cordialement
(1) Il est vrai que ces nouvelles versions ne sont entrées en vigueur que le 25 mai 2004. Toutefois, vous étiez au courant, puisque c’est vers ces versions /2.0/ que vous faites vos liens concernant les licences CC.
(2) Le lien est mort, mais il suffit de couper les bouts en trop pour arriver ici.
Euh - je m’aperçois que chronologiquement, mon raisonnement causal ne tient pas. Mes excuses. Il serait intéressant de découvrir quelle est la source commune à votre article et à la discussion susmentionnée.
Il y a apparemment un quiproquo concernant les forums ou ML que vous évoquez et auxquels je n’ai pas participé, mais ce n’est pas grave.
Que vous retrouviez certains de mes arguments ailleurs, n’a évidemment rien d’étonnant, il suffit d’un peu d’esprit de déduction pour se rendre compte que la CC by+nc+sa ne tient pas la route.
Je n’entrerai pas dans des considérations oiseuses sur l’idéologie pro-commerciale ou anti-commerciale que certains attribuent aux défenseurs de cette licence.
Les licences libres ne sont ni pro ni anti commerce. Elles privilégient simplement l’accès commun aux ressources ; cela a pour conséquence de ramener les enjeux financiers à un niveau plus modeste, mais nullement à inhiber la possibilité de faire commerce.
Vous dites que sous un droit d’auteur traditionnel c’est bien plus compliqué de demander des autorisations d’exploitation commerciale à l’auteur.
Je persiste à ne pas être d’accord, car dans ce cas il n’y a pas d’oeuvres dérivatives et l’éditeur négocie avec un seul auteur.
Si par contre l’oeuvre qu’il veut éditer est une dérivée de dérivée de dérivée placée sous CC by+nc+sa, c’est 4 auteurs successifs qu’il lui faudra contacter. Et surtout, il faudra que tout ce monde se mette d’accord sur les conditions d’exploitation de l’oeuvre. Et comme vous le savez, dès qu’il est question d’argent et de parts de bénéfice, les choses ont tendance à se compliquer.
En outre, il existe cette disposition assez troublante dans l’article 4-a des licences CC :
« If You create a Collective Work, upon notice from any Licensor You must, to the extent practicable, remove from the Collective Work any reference to such Licensor or the Original Author, as requested. If You create a Derivative Work, upon notice from any Licensor You must, to the extent practicable, remove from the Derivative Work any reference to such Licensor or the Original Author, as requested. »
Si je comprends bien, cela veut dire qu’à sa demande, un auteur (ou le "Licencor", c’est à dire celui qui place l’oeuvre sous la Licence CC), peut ne pas être mentionné dans une oeuvre dérivative ou une oeuvre de collaboration. Mais rien ne dit qu’il renonce pour autant à ses droits (en droit français, même anonyme, l’auteur ne renonce pas à son droit moral).
J’avoue être perplexe devant une telle disposition, et je ne sais pas comment il faut l’interpréter. Debian y voit un motif assez sérieux pour déclarer que les licences CC en général ne sont pas libres (y compris la CC by+sa) car selon eux, cette disposition compromet le droit de modification. (Ce passage est toujours présent dans la version 2.0 et d’après ce que j’en comprend, il rend de fait, la clause "Attribution" facultative).
Vous dites que ma formulation concernant la CC by+nc+sa est inexacte. Il est bien évident que l’autorisation de faire ceci à l’exclusion de cela s’adresse à l’utilisateur. Je cite le Common Deed (la version simplifiée que vous semblez préférer) :
« You may not use this work for commercial purposes »
Je cite l’article 4-c (version complète de CC by+nc+sa) :
« You may not exercise any of the rights granted to You in Section 3 above in any manner that is primarily intended for or directed toward commercial advantage or private monetary compensation... »
Pour pouvoir autoriser une exploitation commerciale, l’auteur (ou Licensor) doit recourir à l’article 7-b qui lui réserve le droit de placer le travail sous une double (ou multiple) licence. C’est ce qui lui permettra entre autres, de signer un contrat d’exploitation commerciale avec un éditeur ou distributeur, à condition que ce contrat n’entame pas les droits accordés par la première licence.
Comme vous pouvez le constater, tout ceci nous entraîne vers des imbrications fonctionnelles tellement complexes, qu’au premier problème, l’auteur devra s’entourer de bons avocats pour démêler l’écheveau. S’il n’en a pas les moyens, il aura du mal à faire valoir son droit de façon amiable (il ne faut pas oublier que la plupart des litiges se règlent d’abord à l’amiable), vu qu’il n’aura rien compris à une licence qu’il n’aura pas pris la peine de lire, s’il s’est contenté du common deed et d’une bande dessinée ;)
Vous pointez sur un article de Raphaël Rousseau qui dans ses conclusions, relativise la portée mécanique ou juridique des licences au profit de la méthodologie et de la déontologie. Je suis tout à fait d’accord avec ce point de vue (c’est à peu de choses près les conclusions que je présentais au mois de mai dernier à Autour du Libre).
Dans la grande majorité des cas, surtout dans le domaine des bien culturels qui mettent rarement en jeu de gros intérêts financiers, le consensus moral s’avère satisfaisant. Une bonne licence est d’abord un repère en ce qu’elle énonce clairement des objectifs et des principes éthiques. Elle le fera d’autant mieux qu’elle sera juridiquement cohérente et applicable.
Quoi qu’en dise Debian, il se peut que la CC by+sa soit tout de même une licence libre. Mais le problème avec CC et ses commodités en libre service modulables et fractionnables à volonté, c’est qu’il brouille les repères et vous emberlificote dans un écheveau juridique complexe tout en vous donnant une illusion de liberté.
Il en ressort que les auteurs confondent l’idée d’un bien commun libre, avec leur liberté individuelle à combiner des arrangements.
Vous dites que je ferais mieux de simplifier ma rédaction avant de critiquer celle de CC. Oui, vous avez raison, et je m’excuse platement des lourdeurs de cet article, beaucoup trop long, et écrit dans la hâte pour répondre à la demande des membres d’Agglo. J’espère trouver un de ces jours le temps de retravailler cet article pour le rendre plus clair.
Merci pour vos remarques, et toutes mes excuses pour avoir mis du temps à vous répondre (je répondrai également à votre deuxième post bientôt).