Au sujet du Flashmob en lunettes noires organisé le 19 septembre par Fred Forest à la Grande halle de la Villette, pendant les rencontres du fraap, pour protester contre l’opacité des opérations institutionnelles en matière d’acquisition d’oeuvres d’art, David Christoffel écrivait hier sur [nettime.fr] :
"Fred Forest a été entendu par-ci par-là Initiateur du flashmob aux lunettes noires :
signatures et symbolisations sont probablement les débuts de la fin du flashmob"
Au passage, David Christoffel signale un article intéressant de Francis Pisani sur les flashmob
La remarque de David Christoffel est pertinente, et soulève des problèmes qui ont été quelque peu abordés dans les précédents posts de ce forum.
Signatures : les exemples récents (flashmob de Laurent Ruquier et flashmob de Fred Forest) nous l’ont montré, les flashmobs signés par des organisateurs connus sont peu fédérateurs ; les participants ont alors pleinement conscience de servir un gourou, un maître, une cause. Or, tout, dans les propos des mobbeurs tend à revendiquer l’appartenance à une communauté de singularités quelconques. A contrario, l’exemple des autres flashmobs qui se multiplient actuellement, montre que le public qu’ils touchent est très ciblé (classe relativement aisée, jeune, urbaine, et dégourdie avec les nouvelles technologies de communication). Il y aurait donc une identité "par défaut" qui viendrait ici se substituer au désir de s’affranchir des processus identitaires. Par ailleurs, on peut noter que l’anonymat des organisateurs est la porte ouverte à toutes les manipulations. Le désir d’ignorer l’instance par laquelle on se laisse si volontiers manipuler, est assimilable à un désir de croyance aveugle.
Symbolisations : là aussi, nous pourrions entreprendre un examen détaillé des significations véhiculées par les flashmobs, à commencer par leur logistique qui est typiquement celle d’une guerilla urbaine mais aussi celle de toute organisation sectaire (merci à Olivier avec qui je bavardais hier). Par ailleurs, d’un flashmob à l’autre, on s’aperçoit qu’ils sont rarement absurdes. Au contraire, ils semblent regorger de symboles et allusions de toute nature. Est-il seulement possible d’éviter un lieu, un geste, qui ne soient pas porteurs d’une signification ? Le non sens est une denrée rare. L’histoire de l’art, depuis Alphonse Allais, en passant par le futurisme russe, Dada, l’Amentalisme de Magritte, Fluxus, le Lettrisme, Arakawa, les meilleures tautologies conceptuelles, et j’en passe, le démontre de façon éloquente : c’est un art difficile. Là aussi, nous assistons à des formes de symbolisation par défaut, qui dépassent la conscience des organisateurs, et qui peuvent devenir, comme le craint Howard Rheingold, l’objet de dérives scientistes et animistes qui ne présagent rien de bon.
Travailler le sens ou être travaillé par les symboles, avons-nous le choix ?