"Not only was the flash mob a vacuous fad ; it was, in its very form (pointless aggregation and then dispersal), intended as a metaphor for the hollow hipster [i.e., those hundreds of thousands of educated young urbanites with strikingly similar tastes] culture that spawned it.
(...)
The basic hypothesis behind the Mob Project was as follows : seeing how all culture in New York was demonstrably commingled with scenesterism, the appeal of concerts and plays and readings and gallery shows deriving less from the work itself than from the social opportunities the work might engender, it should theoretically be possible to create an art project consisting of pure scene—meaning the scene would be the entire point of the work, and indeed would itself constitute the work."
Bill Wasik, My Crowd, Harpers Magazine, mars 2006
L’inventeur des flashmobs avait souvent accordé des entretiens aux médias de façon semi-anonyme en utilisant son seul prénom, mais cette fois, il prétend se découvrir : il s’appelle Bill Wasik, il a 31 ans, il est marié, habite dans le Maryland, et se présente comme "senior editor" de Harpers Magazine où il vient de publier My Crowd, un essai en 5 parties sur les flashmobs.
Mais, chose bizarre, hormis cet essai, sur Harpers Magazine, Bill n’a rien publié d’autre qu’un édito hebdomadaire datant du mois d’août 2003...
Le titre de l’essai, My Crowd (Ma Foule), dénote clairement une manoeuvre de réappropriation du concept des flashmobs au moment où des compagnies telles que Ford ou Sony tentent de l’utiliser pour leurs campagnes publicitaires.
Pour faire la promotion de cet essai, Bill a fait preuve du même talent que celui qu’il avait su déployer pour lancer les flashmobs. Il n’a pas lésiné sur les interviews, et la nouvelle s’est vite répandue sur le net. On peut lire et écouter un de ces entretiens sur le site On The Media, ou encore cet entretien plus fourni accordé à Vulture Dropping.
L’essai de Bill Wasik est à la fois sérieux et ironique. En tout état de cause, il est fouillé et tout à fait intéressant. Très immergé dans son sujet et le réseau humain dont il joue, Bill développe une pensée vivante qui avance au flair et à l’instinct tout en prenant appui sur des connaissances et un sens très fin de l’observation. Avec le recul et la capacité d’analyse dont il fait preuve dans cet essai, Bill Wasik s’affirme comme un spécialiste de l’utilisation des réseaux sociaux.
Dans le premier épisode, il explique pourquoi il sort maintenant de son anonymat :
"Over those who would sell to the hipsters, then, hangs the promise of instant adoption but also the specter of wholesale and irrevocable desertion (...) the corporation will be content merely to hitch itself to a succession of their whims.
Perhaps this is the explanation for Fusion Flash Concerts, an otherwise inexplicable marketing program this past summer in which Ford, attempting to sell a new sedan to the underthirty- five market, partnered with Sony to appropriate what may be the most forgettable hipster fad of the past five years. That fad is the “flash mob,” which, according to a definition hastily added in 2004 to the Oxford English Dictionary, is “a public gathering of complete strangers, organized via the Internet or mobile phone, who perform a pointless act and then disperse again.” In fact the flash mob, which dates back only to June 2003, had almost entirely died out by that same winter, despite its having spread during those few months to all the world’s continents save Antarctica. Not only was the flash mob a vacuous fad ; it was, in its very form (pointless aggregation and then dispersal), intended as a metaphor for the hollow hipster culture that spawned it.
I know this because I happen to have been the flash mob’s inventor. My association with the fad has heretofore remained semi-anonymous, on a first-name- only basis to all but friends and acquaintances. For more than two years, I concealed my identity for scientific purposes, but now that my experiment is essentially complete, corporate America having fulfilled (albeit a year later than expected) its final phase, I finally feel compelled to offer a report : on the flash mob, its life and times, and its consummation this summer in the clutches of the Ford Motor Company."
La seconde partie analyse les mécanismes de l’obédience et des comportements mimétiques. Bill se réfère largement aux théories de Stanley Milgram.
Dans la troisième partie, il observe l’expérience des Fusion Flash Concerts de Ford pour comprendre pourquoi leur façon de récupérer le flashmob ne pouvait pas marcher, puis il revient sur les flashmobs organisés par lui-même et la dynamique imprévisible des hipsters, leur versatilité, mais aussi l’équilibre très subtil de connivence et de lucidité, une sorte de naïveté assumée, qui fait qu’un engouement va pouvoir durer.
La quatrième partie traite des mécanismes de propagation des flashmobs via les mails et la blogosphère. Dans les comparaisons qu’il établit entre les flashmobs, les Fusion Flash Concerts et la campagne blogosphérique de Howard Dean, il met en évidence la limite des flashmobs lorsqu’on veut en faire un outil de diffusion pour un message politique ou commercial. L’attrait du flashmob est dans sa fermeture, dans le sentiment que les participants sont des "insiders". La notion d’espace clos horizontal, qui est essentiel au flashmob et à la dynamique des hipsters, est en contradiction avec la centralité irradiante d’une diffusion de masse. La force de contamination (ou de séduction) qui lie les mobbers s’affaiblit à mesure que s’élargit l’amplitude de l’espace social que l’on veut couvrir.
En conclusion, Bill Wasik discute la portée éthique des flashmobs. Son point de vue revient à présenter l’expérience des flashmobs comme une sorte de vaccin pour se prémunir contre des contaminations plus sérieuses. Il cite Milgram :
"The obedience experiment is not a study in which the subject is treated as a passive object, acted upon without any possibility of controlling his own experience. Indeed the entire experimental situation has been created to allow the subject to exercise a human choice, and thus express his nature as a person."
Après ça, si vous rêvez de devenir grand manipulateur des foules virtuelles, Gflu vous indique sur Aeiou de quoi faire mumuse avec un générateur de foule ordonnée.