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Infractions Poétiques

Publié le mardi 8 juin 2004 à 20:04:54 par Collectif I.P.

Mission : s’approprier un lieu délabré et le réhabiliter avec ses propres restes, lui donner une seconde vie et le laisser extérieurement tel-quel. Créer, non pas un espace habitable, mais un environnement esthétique et graphique qui fasse écho à ce lieu.

Un petit cabanon se voit changé en laboratoire d’expériences visuelles, sonores et fantastiques. Adrien et Thomas recyclent un espace à l’abandon. Une structure en grillage évoque la flore luxuriante de mauvaises herbes entrelacées dans lesquelles toutes sortes d’objets se trouvent prisonniers. Les tuiles régulièrement disposées au sol font des cliquetis sous les pas. Des lignes graphiques murales poursuivent les enchevêtrements extérieurs de branches d’arbres dégénérés ; un espace intérieur graphique, reflet d’un paysage accidenté.

C’est à ce stade que je les ai rejoints pour de futures aventures.

Un soir, non loin de la Porte d’Orléans, un chantier s’offre comme terrain de jeux. Chacun, armé d’un sac contenant briquets et bougies, entre dans l’aire que nous venons de découvrir après une courte marche rythmée par les lumières pâles de la rue. Nos pas foulent béton et terre et nous échouons dans une rigole de dix mètres de profondeur.

La lueur oscillante de notre bougie révèle la scène d’un rituel mystérieux dont nous sommes les acteurs. Des petits tas de pierres, tumulus ou embryons de figures archaïques, se forment sous nos mains.

Ces images me reviennent en mémoire et l’écran blanc de l’ordinateur se transforme en tampon de ces clichés presque noirs et blancs. Tandis que mon regard se perd sur les fleurs colorées du balcon, mon esprit s’évade à nouveau.

Les chaussures d’Adrien glissent sur la façade d’une maison abandonnée et disparaissent de ma vue après avoir franchi la fenêtre du premier étage, à quelques mètres du sol. Pendant que Thomas entre par la fente du mur que quelques instants auparavant j’ai franchi, mes yeux s’habituent à l’obscurité environnante et découvrent le chaos qui y règne.

Les araignées et les mouches de la cave s’offrent à nous telles des chimères d’un univers inconnu et étonnant.

Adrien, Thomas et moi, peignons de couleurs vives des objets à l’abandon recueillis dans une pièce. L’espace de quelques minutes, cette cuisine se montre sous le regard d’une mouche ; vision psychédélique du réel, les meubles se présentent comme autant de filtres colorés nous ouvrant les portes d’un espace imaginaire.

Trois intrusions plus ou moins dangereuses.

La première, c’était la découverte, l’aventure, un saut du grand plongeoir avec Adrien. La seconde, un saut à l’élastique sans élastique avec Sylvain. Plus j’y pense et plus je me dis que nous avons bien fait de ne pas réfléchir et de foncer sinon nous ne l’aurions jamais fait. Pour le troisième, ce fut un entrechat de réflexes, de techniques et d’habitudes improvisées à trois.

Ce qui me vient à l’esprit en repensant à tout cela, ce sont toutes les acrobaties effectuées. Et puis on refait comme avant, on sort du RER, on descend sur la gauche vers le parc, on regarde s’il n’y a pas trop de monde et on franchit le mur... De l’autre côté on se sent coupé de l’extérieur, c’est beaucoup plus calme.

Pour la visite de chantier avec Sylvain, je ne sais pas pourquoi, mais dès que nous avons franchi la barrière nous jouions ce rôle de commando-espion ; peut-être vis à vis de l’illégalité, ou alors simplement du fait que nous nous filmions. Je ne dis pas que nous jouions un rôle, du moins pas consciemment ; en effet, si je devais réfléchir à ce que dois dire ou faire lorsque je suis filmé ou si je devais faire attention à bien passer devant la caméra, franchement, j’arrêterais de me filmer et je n’apparaîtrais plus à l’écran. La vidéo n’est plus seulement un document témoin ; elle devient forcément un mode d’expression visuelle en même temps qu’un mode d’exploration à part entière. Elle nous permet d’agir tout en construisant la mémoire de l’action.

Notre collaboration, sorte d’organisation secrète sans prétention, rythmée par l’improvisation, pourrait se développer à l’avenir sur de nouveaux terrains. Nos interventions essayent de s’adapter à ces lieux comme révélateurs d’une rencontre où se conjugent la réalité parfois sordide du site et l’ébauche de ce que nous aurions aimé y trouver.

L’histoire de trois individus qui se rencontrent et partagent une vision fantastique et utopique d’un lieu interdit, sacré à leurs yeux. Un boulet de canon qui, en terrain ennemi se briserait et répandrait d’inoffensifs rayons colorés sur ses cibles.


NDLR : Cet article et les photographies qui y sont incorporées ne sont pas sous Licence Art Libre. Pour tout droit de reproduction, vous êtes prié de contacter les auteurs.


 
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