Dernière mise à jour : 3 février 2007
« L’homme qui est dirigé par la Raison, est plus libre dans la Cité où il vit selon le décret commun, que dans la solitude où il n’obéit qu’à lui-même ». [1]
Cet article est un document de travail appelé à évoluer. Son objectif est de poser quelques jalons pour initier une réflexion consacrée à un petit choix de licences libres susceptibles de convenir à des créations littéraires et artistiques, à des publications scientifiques ou toute autre forme de document d’étude ou d’information.
C’est une tâche qu’il faudra parfaire, corriger et compléter régulièrement, car bien que m’intéressant aux licences libres depuis plusieurs années, et plus particulièrement à la Licence Art Libre, je ne suis ni juriste ni experte. Si je m’y autorise néanmoins, c’est qu’il me semble que ces licences "libres" dont nous sommes censés être les utilisateurs, doivent être intelligibles moyennant un effort raisonnable. Si nous ne pouvons pas les comprendre, elles nous aliènent. Par ailleurs, le droit en matière de propriété intellectuelle, tout comme les licences elles-mêmes, évolue, et il faut mettre les informations à jour. Je tiens à remercier Mélanie Clément-Fontaine et David Géraud, juristes, qui ont toujours été présents pour répondre à mes questions. S’il subsiste des erreurs, c’est que j’ai mal appris ce qu’ils ont eu la générosité de m’expliquer. Aussi, je compte sur les suggestions des lecteurs avisés pour améliorer ce document de travail. Selon l’adage de Mollâ Nasr Elddin : « Que ceux qui savent apprennent à ceux qui ne savent pas » [2]
Pour situer cette petite étude, je précise qu’elle m’avait été demandée par les membres d’Agglo, un programme de recherche artistique qui regroupe une douzaine de labos et dont les membres sont artistes, musiciens, enseignants ou critiques (le plus souvent un peu de tout cela à la fois). Nous nous interrogions sur le choix d’une licence pour nos publications communes et chaque labo s’interrogeait sur le choix d’une licence qui conviendrait à la nature de ses travaux. En attendant un consensus inter-labos, ou intra-labo, transactiv.exe a fonctionné jusqu’au 7 juin 2004 avec une petite licence « fait maison » assez étriquée avant d’être placé sous Licence Art Libre. D’autres labos fonctionnent sans aucune licence (c’est à dire un droit d’auteur standard), et certains associent au coup par coup une licence adaptée à un travail spécifique. Encore heureux, dans ce contexte, les critères a minima de la déclaration de Berlin [3] qui recommande la mise en ligne des publications et le recours à des licences qui assurent au moins un « accès libre » et pérenne aux données, faisaient l’objet d’un consensus de base.
La question du choix des licences ne se posait donc pas en termes de restriction propriétaire, mais plutôt en termes de processus de création et de mode de collaboration. Comment arbitrer droits et responsabilités des auteurs dans un travail collectif, de collaboration ou composite ? Comment partager un travail avec la communauté ? Et comment le publier quand il est encore en gestation ? Ou plutôt, comment faire en sorte que sa publication ne soit pas une fin, mais une étape offerte à des développements ultérieurs qui seront peut-être apportés par d’autres ?
S’il y a bien une chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que les licences libres n’ont pas pour visée de contester le droit d’auteur, mais de répondre à un besoin supérieur qui dépasse l’intérêt particulier qui lie l’auteur à ses droits patrimoniaux ; il s’agit de constituer un corpus de savoirs (qu’il s’agisse de sciences, d’humanités ou d’objets esthétiques) à travers lequel les individus se relient, un bien commun que chacun, selon ses désirs ou ses compétences, pourrait transmettre et enrichir.
Les pages web qui recensent des licences plus ou moins libres ne manquent pas, mais peu établissent un comparatif argumenté et critique, et lorsqu’elles le font, il s’agit généralement de licences logicielles. Un très bon répertoire de licences libres régulièrement mis à jour et classé par catégories existe déjà sur Boson2x.org, un autre avait été constitué sur le site réseau citoyen. Par ailleurs, un comparatif synthétique des licences libres en usage pour la musique avait été établi en 2003 par okosystem (Tournesol), mais parmi les licences citées beaucoup sont maintenant en désuétude. On trouvera sur le site de la Charte Documents Libres des recommandations utiles sur les choix de licences. En 2002 et 2003, sur le wiki de Copyleft_Attitude, et sur Craowiki, des comparatifs avaient été ébauchés, mais laissés inachevés. Plus récemment, l’initiative collaborative Free Content Definition, lancée en 2006, a permis de dégager et d’expliquer les principaux critères du libre et du copyleft dans le domaine des contenus non logiciels. Même si la présentation non hiérarchisée de ces critères peut laisser à désirer [4], chaque point fait l’objet de bons développements, et dans la mesure où ce travail a été mené sur un wiki ouvert à toutes les contributions, Free Content Definition a le mérite de montrer comment le paysage des licences libres a évolué : quelques nouvelles licences font leur apparition tandis que d’autres ne sont plus du tout mentionnées.
Mais avant de détailler des licences, il faut introduire quelques notions de base qui répondent aux questions ou malentendus les plus fréquents. La FAQ rédigée par Romain d’Alverny sur le site de artlibre.org est une très bonne référence, je m’en inspire largement pour reprendre certains points hors du contexte de présentation de la LAL. J’en profite également pour répondre à quelques remarques que j’entends souvent chez les artistes.
1- Le droit d’auteur ne protège pas une idée, mais l’expression de cette idée. C’est vrai en France comme dans les pays signataires de la convention de Berne.
2- La seule création de l’oeuvre confère à l’auteur un droit moral et des droits patrimoniaux sur celle-ci. Aucun dépôt (ni même la publication) n’est nécessaire pour faire valoir le droit de l’auteur sur son oeuvre.
« L’oeuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur. » (article L111.2, CPI) [5].
Mais s’y l’on y tient, on peut prendre des dispositions simples pour pouvoir, si besoin, prouver l’antériorité d’une oeuvre [6]3- Qualité d’auteur et modes de coopération : selon le CPI on distingue trois formes parmi les oeuvres qui requièrent le concours de plusieurs personnes physiques :
« Est dite de collaboration l’oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques.
Est dite composite l’oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière.
Est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. » (article L 113-2, CPI)Mais attention, si vous utilisez une licence anglophone ou traduite de l’anglais ; les mêmes mots, en anglais, renvoient à des définitions juridiques différentes.
4- Une licence est un contrat que l’auteur associe à un travail pour préciser qui peut utiliser son oeuvre et à quelles conditions. La licence engage d’abord l’auteur qui exerce ses droits selon des conditions qu’il détermine librement, mais dans les limites du code de la propriété intellectuelle. Cette licence engage également l’utilisateur à en respecter les conditions.
5- Rapports entre Propriété Intellectuelle et Licence : La législation française en matière de droit d’auteur, ainsi que la Convention de Berne
à laquelle adhérent l’UE et les pays membres de l’OMC, reconnaissent deux composantes dans la propriété intellectuelle : le droit patrimonial (représentation, reproduction) et le droit moral. En France, le droit moral est attaché à la personne de l’auteur, il est incessible, inaliénable et perpétuel, il comprend le droit de paternité, de divulgation, d’intégrité, et de repentir (articles 121-1 à 121-9, CPI).Les licences jouent sur la marge de manoeuvre du droit patrimonial. Au lieu d’accorder une autorisation exclusive à un éditeur ou producteur, l’auteur, par la licence, peut accorder les mêmes autorisations à la communauté des usagers en posant ses conditions.
En principe, une licence ne peut entamer les droits moraux de l’auteur [7].
Une licence ne peut ajouter des restrictions aux exceptions au droit d’auteur déjà prévues par le CPI [8] ou la Convention de Berne.
Pour mettre une oeuvre sous une quelconque licence il faut disposer des droits sur cette oeuvre.
Par conséquent, une licence n’a pas besoin de reformuler ce qui est déjà énoncé dans la législation en vigueur du pays selon laquelle elle aura à s’exercer. Beaucoup de licences gagneraient en clarté et en cohérence si, en se référant à une législation précise, elles évitaient ce genre de redondances qui, au mieux brouillent la compréhension des contractants, au pire pourraient entraîner des contradictions qui risquent d’invalider la licence elle-même.
6- Pour partager son travail, l’absence d’une mention copyright n’est pas une solution, puisque l’oeuvre, du seul fait de sa céation, relève de la propriété intectuelle de son auteur. Pour autant que l’auteur dispose de ses droits patrimoniaux (dans certains cas c’est l’employeur qui en dispose), ceux-ci lui appartiennent sans qu’il soit nécessaire de le signaler par un logo ou estampillage quelconque. C’est pourquoi il est nécessaire d’associer une licence à un travail si l’on veut autoriser des usages plus larges que celles prévues par la législation en vigueur. Apposer un label « no copyright », « libre de droit » ou « copyleft » au travail sans l’associer à une licence spécifique n’a aucune valeur juridique. Dans la mesure où il n’y a jamais cession des droits à proprement parler mais des autorisations dont l’étendue et les conditions sont circonscrites, ces autorisations doivent obligatoirement faire l’objet de mentions détaillées par un contrat (L131-3, CPI).
7- L’absence d’attribution n’est pas une solution : bien des gens, et plus particulièrement les artistes qui par vocation travaillent aux frontières des conventions, pensent pouvoir s’affranchir des lois en disant « pourquoi s’embêter avec des licences, il suffit de publier un travail sans attribution à un auteur ». Ils oublient que les oeuvres anonymes ou pseudonymes bénéficient également de la protection du droit d’auteur [9].
L’absence d’attribution n’offre donc aucune sécurité juridique à l’utilisateur.8- Licence libre, licence copyleft, licence semi-libre, domaine public :
Les dénominations « libre », « open source » ou « copyleft » n’ont pas de valeur juridique, mais il est pratique de s’entendre sur une acception commune pour se comprendre en peu de mots [10]. Et pour commencer, il faut rappeler que libre ne signifie pas gratuit.Avec une licence libre (ou open source) l’auteur autorise sans exclusivité ni discrimination, la copie, la diffusion et la modification de l’oeuvre, en exigeant que les sources ou références de l’oeuvre soient mentionnées et que celle-ci soit rendue accessible. Cependant, avec une licence open source, l’auteur d’une version modifiée peut placer sa propre contribution sous une licence plus restrictive ; de ce fait, l’éventuel enrichissement qu’il aura apporté à l’oeuvre ne profitera pas de la même façon à la communauté puisqu’il ne sera pas permis à d’autres de modifier cette nouvelle oeuvre à leur tour.
Une licence copyleft est une licence libre qui ajoute une clause de pérennité. Elle fait obligation aux auteurs de versions modifiées de perpétuer les mêmes libertés sur leurs contributions (via la même licence ou une licence équivalente).
Les licences semi-libres sont celles qui apportent des restrictions partielles à la diffusion ou aux possibilités de modification de l’oeuvre. Les plus restrictives autorisent au moins l’accès libre aux données ou leur téléchargement pour un usage privé. A ce stade, l’acte de mise à disposition suffit, une licence n’est pas nécessaire.
Historiquement, la plupart des licences libres s’inspirent ou se réclament de la Gnu GPL conçue par Richard Stallman en 1983 pour les logiciels, puis fixée par la Free Software Foundation en 1989. Selon leur degré d’attachement aux principes fondamentaux du copyleft, ces licences en font des adaptations qui peuvent varier en fonction du champ d’application de la licence mais aussi des usages qui seront autorisés ou non.
70 ans après le décès de l’auteur (moins dans le cas d’oeuvres collectives ou anonymes), une oeuvre accède au domaine public, c’est à dire que plus personne ne peut revendiquer des droits patrimoniaux sur l’oeuvre. Ceci est également valable pour des oeuvres qui sont mises sous une licence quelconque. Cependant, les droits moraux restent perpétuellement attachés à l’oeuvre.
9- Autoriser la modification comporte-t-il un risque pour l’intégrité et l’honneur de l’auteur ? Non, avec les licences libres, un auteur ne peut être tenu pour responsable des modifications apportées par des tiers. Cette crainte fait l’objet de nombreux fantasmes qui se résument par : « on va déformer mes propos, entacher ma réputation ». Il ne faut pas oublier qu’une oeuvre modifiée, c’est simplement une autre oeuvre qui relève de la responsabilité d’un nouvel auteur. Ce dernier aura seulement eu la civilité d’identifier clairement ses sources dans un petit historique ou une mention légale associés à son oeuvre. Si malgré tout, une ambiguïté subsiste, l’auteur initial peut toujours trouver un recours dans le droit moral qui préserve des abus d’attribution, de même qu’il peut invoquer son droit moral si de façon flagrante, une réutilisation de son oeuvre portait atteinte à son honneur et sa réputation.
Même aux Etats Unis, où le droit moral est moins fortement affirmé qu’en France, les notions d’attribution, d’honneur et de réputation sont reconnues, ne serait-ce qu’au tritre de la responsabilité civile.
S’il est vrai que les licences libres sont relativement permissives sur le droit moral, il faut souligner que cette permissivité sert essentiellement l’économie du processus créatif entendue comme une dynamique qui dépasse les limites individuelles de l’auteur. Il est également important de faire remarquer qu’une telle permissivité devient intéressante lorsqu’elle est assortie d’une clause copyleft puisque l’auteur initial, au même titre que toute autre personne, aura la possibilité de rebondir à partir des versions modifiées de son oeuvre et pourra profiter à son tour de l’instigation créative que constitue cette nouvelle oeuvre.
10- La notion de compatibilité entre licences : Dire d’une licence qu’elle est compatible avec une autre ne veut pas dire qu’elles sont interchangeables. La compatibilité entre licences n’est pas nécessairement une relation symétrique. Une licence A est compatible avec une licence B quand une oeuvre sous licence A peut être intégrée à une oeuvre qui est sous licence B.
11- Les licences sont des textes protégés : Certains s’en étonnent, mais c’est pourtant fort logique. En tant que texte, les licences, même libres, sont protégées par le droit d’auteur et il n’est pas permis de les modifier. En règle générale, les licences libres peuvent être reproduites et utilisées verbatim.
Bien sûr, le premier critère est politique. Le savoir doit-il être protégé, partagé, contrôlé, exploité, subi ? Par qui, à quelles fins et à quel prix ? Il est préférable de savoir quelle visée et quelle vision on cherche à privilégier.
L’indétermination amène à vouloir ménager la chèvre et le chou, et c’est ce qui pousse beaucoup d’auteurs vers des licences alambiquées qui auront deux défauts :
a) Une trop grande complexité produit parfois des contradictions internes qui compromettent l’applicabilité de la licence.
b) Une trop grande complexité produit un texte opaque dans lequel même les juristes se perdent. Ces licences deviennent sources de malentendus, de perte de temps et de confiance, et surtout ils érigent experts et spécialistes en position d’autorité, alors que c’est aux utilisateurs (auteurs, contributeurs, consommateurs) de juger de la pertinence de leur choix.
La licence doit être adaptée à son objet : par exemple, utiliser une licence logicielle pour une vidéo serait un contresens, car les définitions et les dispositions de la licence devront faire l’objet d’interprétations hasardeuses pour s’appliquer à un objet que la licence ne visait pas au départ. Par contre, une licence trop spécialisée peut poser d’autres problèmes lorsqu’il devient nécessaire d’intégrer ou combiner l’oeuvre à des oeuvres relevant d’une autre forme d’expression. Il vaut mieux choisir une licence généraliste.
Une bonne licence énonce clairement ses objectifs et offre une souplesse d’interprétation sur les moyens techniques qu’il convient de mettre en oeuvre pour satisfaire ces objectifs.
La compatibilité des termes de la licence avec divers modes de coopération entre les auteurs ou contributeurs est aussi un élément appréciable.
Enfin, le choix d’une licence doit également tenir compte de ses chances de pérennité ainsi que de la stabilité de leurs dispositions principales. Beaucoup de licences sont abandonnées par leurs initiateurs au bout de quelques années. D’autres licences souffrent du mal inverse et deviennent versatiles à force d’être trop souvent révisées.
La meilleure façon d’évaluer une licence c’est de la lire dans sa version complète, et de préférence dans sa langue d’origine. Car les traductions n’ont jamais de caractère officiel. Se contenter d’un petit résumé n’est qu’un pis aller
1- Licence Art Libre
La Licence Art Libre a été élaborée en juillet 2000 par Copyleft_Attitude, une association de fait composée d’artistes, de juristes et d’informaticiens, au terme de 7 mois de colloques, workshops, réunions, et discussions en ligne. Elle a été révisée en novembre 2003. C’est une licence libre et copyleft, dans sa plus simple expression. Elle autorise sans restriction, la copie de l’oeuvre, la modification des copies et leur diffusion (gracieuse ou onéreuse). Elle fait obligation de transmettre l’oeuvre avec la même licence, la mention de son auteur (et si c’est le cas, des auteurs des versions précédentes), et les références permettant d’accéder au travail. Les oeuvres « conséquentes » (c’est à dire résultant de la modification d’une oeuvre) doivent être placées sous la même licence. La LAL permet néanmoins l’intégration de l’oeuvre dans un ensemble (anthologie, collection, base de donnée...) du moment que cela ne fait pas obstacle aux dispositions de la licence attachées à l’oeuvre. En d’autres termes, l’oeuvre doit rester extractible afin que les libertés conférées par la LAL ne soient pas entravées.
Particularités :
La LAL a été conçue pour être la plus généraliste possible afin de pouvoir s’appliquer à la pluralité des formes et médiums utilisés et utilisables par les artistes. Pour ce faire, elle introduit la notion d’exemplaire original qui, sans être assimilable au code source des licences logicielles, répond à la même fonction référentielle. L’exemplaire original, dans le cas d’une oeuvre autographe par exemple, peut s’avérer distinct des copies, et à ce titre, irremplaçable. C’est pourquoi la LAL préserve l’exemplaire original et n’autorise de modifications que sur les copies. Dans le cas des oeuvres non autographiques, cette distinction devient artificielle donc indifférente.
La LAL définit comme oeuvre commune, l’ensemble des oeuvres liées entre elles par l’usage du droit de copie, de modification ou incorporation. L’oeuvre commune peut s’imaginer comme une nébuleuse ou une famille avec ses liaisons et ses rejetons, où chaque entité conserve néanmoins son individualité. Ceci laisse toute latitude aux auteurs de mettre sous Licence Art Libre des oeuvres personnelles, des oeuvres de collaboration, des oeuvres collectives ou des oeuvres composites qui ont une acception précise dans le code de la propriété intellectuelle. Par exemple une oeuvre collective conséquente à l’oeuvre personnelle d’un autre auteur, se retrouvera apparentée à cette dernière dans l’entité définie comme oeuvre commune.
La LAL est rédigée en français et se distingue de bien des licences par la rigueur et la concision de son écriture. Formulée en termes à la fois généraux et précis, elle évite les énumérations ou les recommandations techniques trop détaillées, ce qui permet d’avoir une certaine souplesse d’interprétation quant à ses modalités d’application. Elle est lisible par les non juristes. En outre, une très bonne FAQ y est associée.
La LAL spécifie être soumise à la législation française ; le fait de s’adosser à une loi nationale rend l’interprétation de la licence beaucoup plus fiable, y compris dans le cadre d’une application internationale. En effet, dès lors qu’un contrat ne concerne pas des consommateurs, la loi applicable sera de préférence celle mentionnée dans le contrat (loi du pays pour laquelle la protection est réclamée), et le cas échéant, la loi locale (loi du pays dans laquelle la protection est réclamée [11]).
Le site de artlibre.org met une base de référencement des oeuvres à la disposition des auteurs qui souhaitent y inscrire leur travail. Cette base n’a pas de valeur légale et l’inscription n’y a rien d’obligatoire, mais c’est un outil qui peut favoriser les échanges entre les auteurs, ou entre auteurs et utilisateurs.
La Licence Art Libre est recommandée par la Free Software Foundation pour les oeuvres non-logicielles.
Parce que conçue comme une licence artistique, la LAL se doit d’être applicable à des objets très hétérogènes, elle peut donc fort bien convenir à des oeuvres qui ne relèvent pas du domaine de l’art selon l’acception sacralisée qui lui est aujourd’hui donnée. Malgré ses qualités, la LAL souffre d’un handicap de taille qui est de s’adresser aux artistes, ceux précisément pour qui l’idée d’art est à ce point élevée, que les meilleurs d’entre-eux préfèrent pratiquer l’art ô combien difficile de ne pas faire de l’art ! Ce qui les pousse à éviter d’utiliser la LAL. A trop bien nommer son objet, la LAL risque de perdre sa valeur d’usage pour ne briller que pour sa beauté propre. Soigneusement contournée par les artistes, elle pourrait bien s’en trouver merveilleusement sertie, pour trôner au coeur du mandala de l’art [12].
3- Gnu Free Documentation Licence
GFDL en Anglais (langue originale)
GFDL en français (traduction non officielle)
La FDL a été conçue par la Gnu FSF en 2000, pour la documentation des logiciels libres sous Gnu GPL, mais elle peut également convenir à d’autres documents, en particulier pour des manuels d’enseignement. C’est une licence libre et copyleft qui se présente en soi comme un manuel d’utilisation extrêmement détaillé de la licence. Comme la LAL et les licences CC, elle autorise l’intégration du document non modifié dans un ensemble (compilation, base de donnée,...) lorsque le droit applicable à cet ensemble n’altère pas la licence associée au document.
Particularités :
La FDL se prémunit contre les risques de confusion quant au droit de paternité par une série de mesures propres à garantir aux auteurs la reconnaissance de leur travail par rapport aux versions modifiées qui en seraient faites par des tiers. Ceci alourdit considérablement l’écriture de la licence.
En regard du document principal, la FDL distingue une section secondaire qui comprendra notamment l’historique des modifications apportées au document, ainsi que la licence, des déclarations d’intention d’ordre éthique ou philosophique, des références, etc. Tout (sauf l’historique) ou partie (au moins la licence) de cette section secondaire pourront constituer des sections inaltérables. Mais il faut bien noter que la FDL interdit d’inclure des éléments autres que "périphériques" à cette section secondaire. Il n’est donc pas possible d’abuser de cette section secondaire pour "verrouiller" des chapitres entiers du document principal. Une telle disposition se conçoit bien pour un manuel didactique ou pédagogique, mais la notion d’éléments périphériques peut devenir très extensible si on l’applique à d’autres domaines tels que l’art ou la philosophie par exemple.
Même avec une interprétation assez large de la définition du document, la FDL ne peut s’appliquer qu’à des documents dont l’exemplaire de référence sera numérique et « transparent », c’est à dire compatible avec des formats de fichiers publics, lisibles par tous, qui rendent le texte techniquement modifiable. Toute copie « opaque » (par exemple copie papier, ou PDF) doit indiquer l’URL d’un exemplaire transparent. Les conditions à respecter pour la diffusion des copies comme pour la publication des versions modifiées sont décrites avec minutie et rigueur.
Pour conclure, la FDL a un champ d’application relativement spécialisé. C’est une licence rigoureuse et cohérente, pour peu que l’on s’astreigne à suivre pas à pas des directives extrêmement touffues et détaillées quant à la façon de renommer un document modifié ainsi que ses sections et sous sections, ou les normes de formats de fichiers autorisés ou prohibés. Ce luxe de détails qui est un gage de sérieux rend aussi cette licence assez rigide et fastidieuse. Cela dit, l’usage qui est fait de la Gnu FDL dépasse largement le champ d’application pour lequel elle avait été initialement rédigée, et pour le moment, cela ne semble pas avoir créé de litiges particuliers.
2- Les licences Creative Commons
Fondée en 2001 aux Etats Unis par un groupe de juristes et d’experts en informatique, Creative Commons propose un ensemble de 6 licences généralistes résultant d’une combinaison d’options modulables, ainsi que d’autres nouvelles licences dont quelques unes sont spécifiques à la musique. Le mode d’emploi simplifié de ces licences en kit a asssuré un très grand succès à Creative Commons dont on voit fleurir le logo un peu partout sur les pages web. Néanmoins, il convient d’être attentif aux risques de confusion entre ces licences qui se signalent avec des logos identiques, mais dont les implications juridiques sont bien différentes les unes des autres.
Par ailleurs, il est bon de savoir qu’à partir de 2004, un grand nombre d’adaptations nationales des licences CC ont été réalisées par des équipes de juristes et traducteurs dans le cadre du projet International Commons, au nombre desquelles, l’adaptation française. Il ne s’agit pas là de simples traductions, mais bien d’un travail de re-écriture qui est censé adapter les licences CC aux juridictions nationales de divers pays. Ces licences sont déclarées être compatibles entre-elles. A moins de connaître toutes les langues et juridictions dans lesquelles ces licences ont été transposées, il est difficile de mesurer les conséquences des écarts de terminologie et de droit applicable sur l’interprétation des clauses de ces licences.
Je m’arrêterai sur deux d’entre elles :
a) Creative Commons by + sa 2.0
La CC Attribution, share alike, est une licence libre et copyleft conçue pour être applicable à toutes sortes de créations numériques, et dont la rédaction laisse entendre qu’elle pourrait s’appliquer aussi à des oeuvres non numériques. Elle autorise les copies, la modification et la diffusion des copies de l’oeuvre modifiée ou non, à titre commercial ou non, à condition de citer les auteurs, les références exactes de l’oeuvre, et à condition de transmettre le travail avec la même licence. La CC by+sa autorise également la coexistence de l’oeuvre non modifiée dans un ensemble d’oeuvres ne relevant pas de la même licence (collection, base de données... ). C’est une licence suffisamment proche de la LAL pour qu’un accord de compatibilité entre les deux licences soit envisageable.
Particularités :
Initialement, les licences CC avaient été rédigées dans l’intention d’être génériques et sans prendre appui sur une juridiction nationale précise, même si c’est le Copyright Law américain qui y est implicite. De ce fait, leur interprétation reste quelque peu flottante, surtout si l’on se place dans le contexte déterritorialisé du web. Pour parer au mieux à d’éventuelles variations d’interprétation, ces licences doivent tout dire en détail. Leur rédaction s’en trouve singulièrement embourbée et redondante, à moins que cela ne soit dû au trop grand nombre de spécialistes qui ont travaillé dessus, car en comparaison, les licences de la Gnu FSF qui sont conçues sur le même principe sont peut-être fastidieuses, mais assurément plus didactiques. Il s’en suit que les auteurs lisent rarement la version complète de la licence car il est plus facile de s’en remettre au petit résumé que le site met à leur disposition (ce que le site de CC appelle très justement le « common deed » ou human-readable summary).
La méconnaissance du texte ajouté aux confusions possibles entre de trop nombreuses options de licence pour le lecteur-utilisateur, augmente les risques de malentendus et de litiges ainsi qu’une dépendance accrue envers les juristes.
Attention ! En 2005, Creative Commons a sorti une nouvelle version 2.5 de la CC by-sa. Cette version introduit de nouvelles restrictions (article 3. points e et f) qui réservent aux musiciens ou leurs ayants droits (sociétés de perception des droits) le droit exclusif de toucher des rémunérations sur la diffusion de leur musique (cd, concert ou téléchargement), de ce fait, la CC by-sa devient une licence étrange à deux régimes, qui s’écarte des critères des licences libres. Pour les oeuvres musicales, elle devient en partie assimilable à la CC by + nc + sa.
b) Creative Commons by + nc + sa 2.0
La CC attribution, non commercial, share alike est une licence semi-libre en ce qu’elle autorise les copies, les modifications et leur diffusion, mais à l’exclusion de toute utilisation commerciale.
Cette licence connaît un très large succès chez les artistes qui désirent partager leur travail, voir leurs oeuvres réutilisées, enrichies, et diffusées, mais qui se sentiraient spoliés si quelqu’un faisait "de l’argent sur leur dos" alors qu’eux même ont tant de mal à subsister. Et sait-on jamais, si un jour un éditeur ou un distributeur trouvait le moyen de faire de l’argent avec leur travail, ils préféreraient se réserver la possiblité de négocier avec lui pour être également rétribués. Quoi de plus légitime ?
Cependant, cette situation hybride est peu viable. Outre qu’il est difficile de définir la notion d’usage commercial, l’autorisation de modification s’assortit mal de l’interdiction de l’usage commercial. A terme, si un travail dérivatif qui arrive en bout de chaîne d’une série de mixages et de modifications devait être commercialisé, il faudrait remonter toute la généalogie des auteurs et des ayants-droits pour négocier avec chacun l’autorisation d’un accord de commercialisation et de répartition des droits. Bien que la CC by+nc+sa soit la plus utilisée des licences CC (entre 30 et 35% parmi les 6 principales licences CC), la plupart des juristes s’accordent aujourd’hui pour dire que ce n’est pas un bon choix de licence.
Si l’on veut se réserver les éventuels bénéfices commerciaux d’une oeuvre, il serait plus cohérent de ne choisir aucune licence, ou bien choisir celle qui autorise seulement l’accès et la diffusion libre sans modification, par exemple la CC by+nc+nd (attribution, non commercial, non derivativ).
4- La Charte Documents Libres
La CDL a été d’abord rédigée en 1999 à l’initiative du GESI avant d’être portée par une association autonome. D’emblée, on est un peu troublé par l’ambiguïté de cette charte qui est rédigée comme une licence. Cette ambiguïté pourrait éventuellement gêner les auteurs qui contribuent à un travail sous CDL s’ils ne peuvent évaluer le degré de contrainte qu’implique la charte.
La Charte Documents Libres n’autorise ni les modifications, ni la diffusion commerciale des copies de l’oeuvre. Elle se contente d’encourager un accès libre aux documents, en autorisant les copies privées et la diffusion non commerciale de copies à des fins d’enseignement. Son champ d’application vise les documents pédagogiques et les publications scientifiques.
Particularités :
La CDL définit surtout un mode d’arbitrage pour des travaux de recherche et de publication menées en équipe sous la responsabilité et l’autorité d’un auteur principal. Le régime de l’oeuvre qui en résulte est celle d’une oeuvre collective où les contributeurs sont mentionnés mais l’apport de chaque contributeur n’est pas nécessairement cerné et ne peut être exploité indépendamment de l’ensemble. Avec la CDL, c’est l’auteur principal qui détient les droits d’auteur sur l’ensemble du travail (article 3a de la charte), et c’est à lui que revient le droit d’accorder ou non des autorisations de traduction ou d’exploitation commerciale.
De façon moins détaillée que la FDL, la CDL fait une série de recommandations sur la mise en ligne des documents, et les métadonnées qu’il convient d’y associer. La CDL n’est pas jargonneuse, elle se laisse très bien lire et comprendre, c’est une qualité appréciable.
Le site de l’association CDL met à la disposition des auteurs une base de référencement et d’ « immatriculation » des documents. C’est un outil très utile pour repérer les travaux et se repérer dans leurs versions successives s’il y en a. Cependant on peut douter de la valeur légale de la fonction d’ « authentification » que l’article 9a de la Charte semble accorder à cette base de référencement.
5- Licence Document Libre de la guilde de doctorants
Rédigée en français en 2000, la LDL a été surtout conçue pour publier des travaux de recherche. Elle est très largement inspirée de la Gnu FDL. Cependant, des modifications significatives y ont été apportées, qui en font une licence semi-libre. Par ailleurs, la LDL semble peu utilisée.
Particularités :
La LDL ne reconnaît pas de section secondaire par rapport au document principal. Elle distingue seulement une partie historique (références du document) par rapport au document principal. Elle introduit néanmoins le concept de sections inaltérables qui peut s’appliquer alors à n’importe quelle partie du document principal. Ainsi l’auteur peut décider des chapitres ou paragraphes qui seront verrouillées, et d’autres qui seront ouvertes à la modification.
La clause d’intégration (ou agrégation) du travail à un ensemble (collection, base de donnée...) est assez singulière car elle établit un quota (proportion du document intégré par rapport à l’ensemble) au delà duquel l’ensemble serait considéré comme une oeuvre dérivative, donc soumise à la LDL. Cette clause paraît inapplicable eu égard au caractère généralement évolutif des bases de données et des collections.
Conclusion
Le succès des licences libres qui enrichit chaque jour le patrimoine commun de travaux artistiques, éducatifs ou scientifiques ne peut que réjouir.
Cependant, la diversité et la multiplication des licences pose problème car les oeuvres qui relèvent de régimes juridiques différents peuvent difficilement être mixées ou incorporées les unes au autres. Aujourd’hui, les porteurs de licences déjà confirmées tendent leurs efforts vers une harmonisation dans l’espoir d’aboutir à des accords de compatibilité entre les licences qui sont proches par leurs dispositions principales.
Général :
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Ministère de la culture :
la propriété littéraire et artistique (la propriété littéraire et artistique expliquée)
le droit applicable en France (textes nationaux et communautaires)PROGEXPI : Site de veille et de vulgarisation sur la propriété intellectuelle
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PI et Institutions internationalesWIPO : La Convention de Berne modifiée en 1979 en français :
Application du droit du pays dans lequel la protection est réclamée, quel que soit le pays d’origine de l’oeuvre (article 5)
Reconnaissance du droit droit moral jusqu’à extinction des droits patrimoniaux (article 6bis)OMPI : Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur 1996
WTO : ADPIC et Convention de Berne expliquée et résumée en fançais
OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle) FAQ sur les droits d’auteurs
En anglais :
WIPO : copyright and related rights
WIPO : enforcement of IP rights 2004
Licences libres et copyleft :
domaine logiciel
Free Software Foundation
Le contrat social Debian (définition d’un logiciel libre)
Open source definition
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réseau citoyen : une introduction à la notion du copyleft, et des liens vers des licences de contenus libres et copyleft
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Gnu FDL Licence
Charte Document libre
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Guilde des jeunes chercheurs, Licence pour Documents Libres LDL
Licence de Libre Diffusion des Documents, LLDD
Autres textes et études
Licences libres et droit français, 2002, par Cyril Rojinsky et Vincent Grynbaum : résumé, et texte complet en pdf.Déclaration de Berlin, Libre accès de la littérature scientifique, Octobre 2003.
Etude de Michael Fröhlich Les notions clés du droit d’auteur à l’épreuve du réseau, 1997.
Auteur anonyme ou pseudonyme : Le droit au pseudonymat par Pascale Louédec, Uzine.net.
[1] Spinoza, Ethique, "De la servitude de l’homme", proposition LXXIII. Et la "démonstration" qui suit cette proposition est :
« L’homme qui est dirigé par la Raison, n’est pas conduit par la Crainte à obéir ; mais, en tant qu’il s’efforce de conserver son être suivant le commandement de la Raison, c’est-à-dire en tant qu’il s’efforce de vivre librement, il désire observer la règle de la vie et de l’utilité communes et, en conséquence, vivre suivant le décret commun de la cité. L’homme qui est dirigé par la Raison, désire donc, pour vivre plus librement, observer le droit commun de la cité »
[2] le mois de Ramadan tirait à sa fin, les fidèles venaient chaque jour sur la place pour demander au Mollâ Nasr Elddin s’il jugeait le croissant de lune assez mince pour qu’on puisse s’autoriser à fêter la fin de la période de jeûne. Ignorant parmi les ignorants, le Mollâ cherchait à chaque fois un subterfuge. La première fois la foule lui demand : "Mollâ, dis nous si c’est bien la fin du Ramadan" il leur répond : "Comment ! vous ne le savez pas ?", la foule dit "Non". Le Mollâ s’en sort par le mépris : "Ô bande d’ignorants, si vous ne le savez pas, c’est que vous ne méritez pas mes sermons". Le lendemain, la foule lui pose la même question. Et le Mollâ de réitérer "Comment ! vous ne le savez pas ?", "Si !" dit la foule en choeur. Le Mollâ : "Puisque vous le savez, il est inutile que je vous réponde". Le troisième jour, même échange de questions : "Comment ! vous ne le savez pas ?". La moitié de la foule dit "non", et l’autre moitié "Si !". A quoi le Mollâ finit par répondre "Alors que ceux qui savent apprennent à ceux qui ne savent pas"
[3] .Déclaration de Berlin, Libre accès de la littérature scientifique, Octobre 2003, extrait :
« le directeur général du CNRS, Bernard Larrouturou, vient de signer, avec de nombreuses personnalités scientifiques mondiales, la déclaration de Berlin. Se situant dans la prolongation de l’Appel de Budapest, les auteurs réclament la mise à disposition en accès libre (open access) de la littérature scientifique mondiale. Ils définissent le libre accès comme la mise à disposition de la production intellectuelle des chercheurs, par eux-mêmes ou par leurs ayant droit, associée au droit de la copier, de l’utiliser, de la distribuer, de la transmettre et de l’utiliser publiquement. La seule et légitime condition imposée à la réutilisation, diffusion et mise en valeur de ces documents est la reconnaissance de la paternité de leur(s) auteur(s). Ce projet passe par la mise en ligne complète des documents -et de l’ensemble du matériel permettant de soutenir l’argumentation scientifique- dans un dépôt se conformant aux standards de l’Open archives iniative. Les dépôts de documents devront être maintenus par des institutions établies, ne limitant pas l’accès aux données et garantissant leur archivage à long terme. »
[4] Par exemple, le tableau à partir duquel se distribuent les licences est un peu discutable car des critères d’importance très variable apparaissent sur le même niveau. Ainsi du critère de l’existence ou non d’une clause anti-DRM qui est superfétatoire, puisque les DRM sont forcémentent en contradiction avec les dispositions principales d’une licence libre.
[5] Le Code de la Propriété Intellectuelle, Legifrance
[7] Mais à condition d’y être associé, l’auteur peut autoriser l’adaptation ou l’interprétation de son oeuvre par des tiers.
[8] Voir les exceptions et les limitations du droit d’auteur, en particulier l’article 122-5 du CPI qui fixe les exceptions au droit d’auteur
[9] Article L113-6, CPI
« Les auteurs des oeuvres pseudonymes et anonymes jouissent sur celles-ci des droits reconnus par l’article L.111-1.
Ils sont représentés dans l’exercice de ces droits par l’éditeur ou le publicateur originaire, tant qu’ils n’ont pas fait connaître leur identité civile et justifié de leur qualité. »
Voir aussi un article sur la question, Le droit au pseudonymat, par Pascale Louédec sur Uzine.net.
[10] Ces distinctions font l’objet d’explications assez nourries sur cette page de Gnu APRIL. Pour en savoir plus, on pourra consulter les normes Debian sur ce qui est défini comme un logiciel libre, ainsi que la définition qu’en donne l’Open Source Initiativ
[11] Merci à David Geraud et Mélanie Clément-Fontaine (juristes) pour leurs explications sur cet aspect fort compliqué du droit applicable.
[12] Ad Reinhardt, An artist, a fine-artist, a free-artist. Ad Reinhardt est également l’auteur d’un dessin qui représente l’art et le monde de l’art comme un mandala. Malheureusement je n’ai pas pu trouver de reproduction de ce dessin sur le web.
Alors avant de critiquer les licences CC pour "leur rédaction ... singulièrement embourbée", simplifiez la vôtre, s’il vous plaît.
C’est l’histoire d’un maître d’école qui avait un défaut d’élocution : il prononçait les « l » comme des « n », et pour dire « Alef »* il disait « Anef ». Conscient de ce défaut, il faisait de son mieux pour prévenir ses élèves : « Quand je dis "Anef", ne dis pas "Anef", dis Anef ! »
Si vous êtes capable d’écrire une meilleure version de cet article, faites le. La licence art libre vous y autorise.
*Alef est la première lettre de l’alphabet arabe et persan.
Puisque je suis dans le bain juridique en ce moment et que Mélanie Clément-Fontaine me gratifie d’une relecture critique de cet article, j’en ai profité pour y apporter quelques corrections ou compléments et faire un peu de jardinage en passant.
D’autres mises à jour seront nécessaires d’ici quelques temps, les principales licences étant actuellement en cours de re-écriture.
Pour la LAL nous sommes en phase de finalisation, la FDL s’achemine vers une licence simplifiée qui serait rebaptisée en SFDL, et du côté des CC il semble que ça continue à bouillonner, comme d’habitude.
Quelques précisions et mises à jour ont été effectuées sur cet article le 12 décembre 2005.
Après la réunion préparatoire d’hier soir au CERSA, je m’apprêtais à publier un court billet pour annoncer le lancement officiel des contrats de licence Creative Commons France qui s’inscrit dans le vaste chantier des International Commons. Mélanie Dulong de Rosnay qui travaille depuis plus d’un an à l’adaptation française de ces licences, a bien du mérite de s’être consacrée à une tâche aussi délicate.
Le lancement aura lieu ce Vendredi 19 novembre, à l’Assemblée Nationale pour la partie studieuse du programme, et à la Maison des Métallos pour la partie festive. Vous trouverez le programme détaillé de la journée à cette page.
Merci à Mélanie de nous avoir invités à venir présenter la Licence Art Libre lors de cette journée.
Il est indéniable que le mouvement CC qui bénéficie d’une très bonne médiatisation amène les internautes à s’intéresser au droit d’auteur et les pousse à entrevoir d’autres issues que le fatalisme binaire du piratage ou de la soumission aux impératifs du marché. Il s’agit d’une sensibilisation d’envergure au libre et au copyleft, et c’est là un apport très appréciable.
Sur le front du libre, le bruit s’amplifie, et dès demain vous pourrez entendre sur arte-radio en ligne, un brouhaha d’interviews mixées, coupées, samplées, brouillées, où les notions d’accès ouvert, copyleft, libre, bien commun, domaine public..., s’entrelaceront dans la plus joyeuse confusion.
Il faudra attendre le retour au calme pour démêler cet écheveau par un examen studieux des textes et des usages.
Notre réunion d’hier soir était un semblable brouhaha où les considérations pratiques sur les tours de parole et le minutage des tables rondes se mêlaient à des amorces de discussion de fond sur la création, l’altérité, l’intégrité, le bien commun, etc. Mais il s’est produit un tout petit incident, à peine digne d’être mentionné, qui m’entraîne aujourd’hui vers une digression impertinente et sans doute hors sujet : une fois que tous les participants retardataires furent là, nous avons momentanément interrompu les débats pour un tour de table de présentations : chacun évoquait en quelques mots son domaine d’exercice professionnel et sa forme d’implication dans le "Libre". Arrive alors le tour d’une dame quelque peu embarrassée qui nous dit être réalisatrice de petits films de court métrage, enfin plutôt ex-réalisatrice, car en ce moment dit-elle, "je m’occupe de ma vieille mère qui a 90 ans et qui..." -
Bon, bon, nous n’allons pas raconter notre vie, se fit elle interrompre.
Quoi de plus normal me diriez vous ; nous étions là pour discuter une gamme de licences qui permettent de choisir à volonté, selon des découpages finement définis, dans quelle mesure, à quelles conditions et jusqu’à quelle extension, le droit patrimonial sur une création de l’esprit peut être cédé. Nous étions là pour parler de bien commun et non de ces maux terriblement communs que sont la souffrance, la maladie, la vieillesse, la mort. Ni de ces autres biens que sont la compassion et le devoir d’entraide qui ne feront jamais l’objet de licences car personne, Chère Madame, ne viendra vous disputer ce bien humain qui vous oblige à abandonner momentanément la création pour accompagner votre mère dans une période si douloureuse.
A lire, Le business malin des "bonnes pratiques", un article d’Antoine Pitrou sur Libroscope (un site décidément très intéressant !).
Il s’agit d’une étude de cas qui montre les effets pernicieux du label Creative Commons qui véhicule le discours du libre pour des licences qui ne sont parfois pas du tout libres.
Via Antoine Moreau
Cette information sort un peu du cadre de l’étude des licences non logicielles, mais elle mérite l’attention, car elle est instructive à bien des égards.
Aujourd’hui nous apprenons, via samizdat.net (merci à Mélanie Dulong qui me signale l’info) , la création du Contrat de Licence de Logiciel Libre CeCILL, première Licence française de logiciel libre. Ce contrat de licence a été élaboré par le CEA, le CNRS et l’INRIA, et s’inspire de la GNU GPL.
Je relève quelques points intéressants :
Compatibilité avec la licence GPL : Cette clause de compatibilité est détaillée de façon explicite dans le texte même de la licence (article 5.3.4.)
"Dans le cas où le logiciel, Modifié ou non, est intégré au un code soumis aux dispositions de la licence GPL, le Licencié est autorisé à redistribuer l’ensemble sous la licence GPL.
Dans le cas où le Logiciel Modifié intègre un code soumis aux dispositions de la licence GPL, le Licencié est autorisé à redistribuer le Logiciel Modifié sous la licence GPL."
La licence s’applique aux parties du logiciel qui font l’objet d’un brevet (article 5) :
"Par ailleurs, le Concédant concède au Licencié à titre gracieux les droits d’exploitation du ou des brevets qu’il détient sur tout ou partie des inventions implémentées dans le Logiciel."
Langue et loi applicable :
Article 11.5 : "Le contrat est rédigé en langue française et en langue anglaise. En cas de divergence d’interprétation, seule la version française fait foi."
Article 13.1 : "Le Contrat est régi par la loi française..."
Article 13.2 : "A défaut d’accord amiable...les différends ou litiges seront portés par la Partie la plus diligente devant les Tribunaux compétents de Paris."
C’est une bonne nouvelle de voir que des organismes de recherche, et non des moindres, se dotent d’une licence libre qui est rédigée de façon claire et en cohérence avec le droit français. En outre, le dernier alinéa 13.2 lève toute ambiguïté sur la loi applicable en cas de litige.
Vous écrivez
" Les licences CC sont rédigées pour être adaptables à la législation du pays où elles auront à s’appliquer. De ce fait, leur interprétation reste quelque peu flottante, surtout si l’on se place dans le contexte déterritorialisé du web. Pour parer au mieux à d’éventuelles variations d’interprétation, ces licences doivent tout dire en détail. Leur rédaction s’en trouve singulièrement embourbée et redondante, à moins que cela ne soit dû au trop grand nombre de spécialistes qui ont travaillé dessus, car en comparaison, les licences de la Gnu FSF qui sont conçues sur le même principe sont peut-être fastidieuses, mais assurément plus didactiques"
N’est-ce pas un peu tordu de critiquer http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/legalcode pour sa complexité, sans même mentionner l’existence de http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/ , très claire pour le profane - alors que si on clique sur le logo d’une licence CC, c’est la version pour le profane qui apparaît d’abord ? Et côté didactique, cf les explications en BD des licences CC.
Vous écrivez aussi :
"La CC attribution, non commercial, share alike est une licence semi-libre en ce qu’elle autorise les copies, les modifications, et leur diffusion, mais à l’exclusion de toute utilisation commerciale."
Là, c’est vous qui vous éxprimez mal : la clause non commercial n’exclut pas l’utilisation commerciale comme votre phrase pourrait le faire croire et l’a fait croire : une discussion absurde est née du malentendu causé par votre formulation en avril dans une association dont je fais partie.
Au début, certains parlaient de "commerce interdit" et ressortaient les arguments "free as in freedom pas free as in free beer" "démonisation de l’argent". Voir http://www.cooperation.net/info/111665.html .
Il a fallu plusieurs e-mails pour leur faire comprendre que, comme vous l’expliquez vous-même ensuite, mais trop tard, cette clause signifie uniquement que l’utilisation commerciale n’est pas autorisée automatiquement, mais qu’elle doit être demandée, comme dans le cas d’un copyright traditionnel.
Ils ont alors utilisé votre argument suivant :
"A terme, si un travail dérivé qui arrive en bout de chaine d’une série de dix dérivations devait être commercialisé, il faudrait remonter toute la chaîne des auteurs et des ayants-droits pour négocier avec chacun l’autorisation d’un accord de commercialisation"
Est-ce si dramatique ? Toutes les nouvelles licences CC (1) ont la clause "attribution" - il suffit donc d’envoyer la même requête à tout le monde en même temps. C’est bien plus compliqué sous le régime traditionnel.
Si je dis que votre formulation malheureuse de la clause "non commercial" est cause de cette discussion, c’est que j’ai reconnu dans votre article des phrases réutilisées par les participants dans leurs e-mails - et qu’il est cité (2) par l’un d’eux (section "useful links") dans une récente - et plutôt embarassante - lettre ouverte : Creative Common : Liberticide in long terms ? Open letter to Larry Lessig and CC promoters.
Alors avant de critiquer les licences CC pour "leur rédaction ... singulièrement embourbée", simplifiez la vôtre, s’il vous plaît.
Cordialement
(1) Il est vrai que ces nouvelles versions ne sont entrées en vigueur que le 25 mai 2004. Toutefois, vous étiez au courant, puisque c’est vers ces versions /2.0/ que vous faites vos liens concernant les licences CC.
(2) Le lien est mort, mais il suffit de couper les bouts en trop pour arriver ici.
Euh - je m’aperçois que chronologiquement, mon raisonnement causal ne tient pas. Mes excuses. Il serait intéressant de découvrir quelle est la source commune à votre article et à la discussion susmentionnée.
Il y a apparemment un quiproquo concernant les forums ou ML que vous évoquez et auxquels je n’ai pas participé, mais ce n’est pas grave.
Que vous retrouviez certains de mes arguments ailleurs, n’a évidemment rien d’étonnant, il suffit d’un peu d’esprit de déduction pour se rendre compte que la CC by+nc+sa ne tient pas la route.
Je n’entrerai pas dans des considérations oiseuses sur l’idéologie pro-commerciale ou anti-commerciale que certains attribuent aux défenseurs de cette licence.
Les licences libres ne sont ni pro ni anti commerce. Elles privilégient simplement l’accès commun aux ressources ; cela a pour conséquence de ramener les enjeux financiers à un niveau plus modeste, mais nullement à inhiber la possibilité de faire commerce.
Vous dites que sous un droit d’auteur traditionnel c’est bien plus compliqué de demander des autorisations d’exploitation commerciale à l’auteur.
Je persiste à ne pas être d’accord, car dans ce cas il n’y a pas d’oeuvres dérivatives et l’éditeur négocie avec un seul auteur.
Si par contre l’oeuvre qu’il veut éditer est une dérivée de dérivée de dérivée placée sous CC by+nc+sa, c’est 4 auteurs successifs qu’il lui faudra contacter. Et surtout, il faudra que tout ce monde se mette d’accord sur les conditions d’exploitation de l’oeuvre. Et comme vous le savez, dès qu’il est question d’argent et de parts de bénéfice, les choses ont tendance à se compliquer.
En outre, il existe cette disposition assez troublante dans l’article 4-a des licences CC :
« If You create a Collective Work, upon notice from any Licensor You must, to the extent practicable, remove from the Collective Work any reference to such Licensor or the Original Author, as requested. If You create a Derivative Work, upon notice from any Licensor You must, to the extent practicable, remove from the Derivative Work any reference to such Licensor or the Original Author, as requested. »
Si je comprends bien, cela veut dire qu’à sa demande, un auteur (ou le "Licencor", c’est à dire celui qui place l’oeuvre sous la Licence CC), peut ne pas être mentionné dans une oeuvre dérivative ou une oeuvre de collaboration. Mais rien ne dit qu’il renonce pour autant à ses droits (en droit français, même anonyme, l’auteur ne renonce pas à son droit moral).
J’avoue être perplexe devant une telle disposition, et je ne sais pas comment il faut l’interpréter. Debian y voit un motif assez sérieux pour déclarer que les licences CC en général ne sont pas libres (y compris la CC by+sa) car selon eux, cette disposition compromet le droit de modification. (Ce passage est toujours présent dans la version 2.0 et d’après ce que j’en comprend, il rend de fait, la clause "Attribution" facultative).
Vous dites que ma formulation concernant la CC by+nc+sa est inexacte. Il est bien évident que l’autorisation de faire ceci à l’exclusion de cela s’adresse à l’utilisateur. Je cite le Common Deed (la version simplifiée que vous semblez préférer) :
« You may not use this work for commercial purposes »
Je cite l’article 4-c (version complète de CC by+nc+sa) :
« You may not exercise any of the rights granted to You in Section 3 above in any manner that is primarily intended for or directed toward commercial advantage or private monetary compensation... »
Pour pouvoir autoriser une exploitation commerciale, l’auteur (ou Licensor) doit recourir à l’article 7-b qui lui réserve le droit de placer le travail sous une double (ou multiple) licence. C’est ce qui lui permettra entre autres, de signer un contrat d’exploitation commerciale avec un éditeur ou distributeur, à condition que ce contrat n’entame pas les droits accordés par la première licence.
Comme vous pouvez le constater, tout ceci nous entraîne vers des imbrications fonctionnelles tellement complexes, qu’au premier problème, l’auteur devra s’entourer de bons avocats pour démêler l’écheveau. S’il n’en a pas les moyens, il aura du mal à faire valoir son droit de façon amiable (il ne faut pas oublier que la plupart des litiges se règlent d’abord à l’amiable), vu qu’il n’aura rien compris à une licence qu’il n’aura pas pris la peine de lire, s’il s’est contenté du common deed et d’une bande dessinée ;)
Vous pointez sur un article de Raphaël Rousseau qui dans ses conclusions, relativise la portée mécanique ou juridique des licences au profit de la méthodologie et de la déontologie. Je suis tout à fait d’accord avec ce point de vue (c’est à peu de choses près les conclusions que je présentais au mois de mai dernier à Autour du Libre).
Dans la grande majorité des cas, surtout dans le domaine des bien culturels qui mettent rarement en jeu de gros intérêts financiers, le consensus moral s’avère satisfaisant. Une bonne licence est d’abord un repère en ce qu’elle énonce clairement des objectifs et des principes éthiques. Elle le fera d’autant mieux qu’elle sera juridiquement cohérente et applicable.
Quoi qu’en dise Debian, il se peut que la CC by+sa soit tout de même une licence libre. Mais le problème avec CC et ses commodités en libre service modulables et fractionnables à volonté, c’est qu’il brouille les repères et vous emberlificote dans un écheveau juridique complexe tout en vous donnant une illusion de liberté.
Il en ressort que les auteurs confondent l’idée d’un bien commun libre, avec leur liberté individuelle à combiner des arrangements.
Vous dites que je ferais mieux de simplifier ma rédaction avant de critiquer celle de CC. Oui, vous avez raison, et je m’excuse platement des lourdeurs de cet article, beaucoup trop long, et écrit dans la hâte pour répondre à la demande des membres d’Agglo. J’espère trouver un de ces jours le temps de retravailler cet article pour le rendre plus clair.
Merci pour vos remarques, et toutes mes excuses pour avoir mis du temps à vous répondre (je répondrai également à votre deuxième post bientôt).
Une question, le statut d’oeuvre dérivée est-il réellement adapté appliqué à des oeuvres, est-ce que ce n’est pas réducteur de devoir affilier forcément comme ça un travail, une généalogie presque, qui fait les emprunts dans le contexte où elle existe en ferait d’autres dans un autre contexte, et je me demande si ça ne résume pas trop vite de façon univoque des jeux de références ? remarque non. et le modèle qu’on entend comme repris du développement du logiciel par exemple, on parle de : développement, et puis il y a une générosité qui n’est pas comparable, ni la même réception. Et voilà et puis aussi on induit certaines formes d’interprétation, de dérivation, alors que, c’est bien une nouvelle oeuvre, ce serait ça qu’il faudrait faire valoir, que ça c’est complètement libre. et aussi je me demande si une oeuvre en critique une autre qu’elle reprend par exemple, sous licence libre comme oeuvre dérivée ? voilà et mais en disant ça je ne parle pas du tout, je ne remet pas en cause du tout au contraire l’idée qu’il faut se dépêcher de faire quelque chose contre la privatisation tous azimuts. je vais relire et réfléchir à tout ça. je me demande à quel point les informaticiens signent les programmes dans la façon de programmer. merci pour cet essai comparatif.
La distinction entre oeuvre dérivée et nouvelle oeuvre s’inspirant d’une oeuvre précédente existe dans le droit d’auteur traditionnel, et elle n’est pas abolie par la clause "No derivative work" des licences CC.
Parodie
Mais cette distinction n’est pas toujours claire : il y a quelques années, en Italie, le roman Va dove ti porta il cuore (va où te mène ton coeur) de Susanna Tamaro a eu un succès boeuf. Daniele Luttazzi en a fait une "parodie" en remplaçant partout le mot "cuore" par "clito" (clitoris). D’oÙ procès intenté par Mme Tamaro. Qu’elle a perdu.
Elle le perdrait encore même si elle utilisait la clause "no derivative work" de la licence CC, la parodie étant considérée comme oeuvre originale et non comme oeuvre dérivée, et le texte de Lutttazzi ayant été reconnu comme "parodie" par les experts appelés à témoigner.
Mais avec ou sans clause "no derivative work", la distinction entre oeuvre dérivée et nouvelle oeuvre dépend souvent d’un jugement subjectif - même dans le cas des "experts" mentionnés ci-dessus.
Critique
A nouveau, le droit de citation dans une critique est inscrit dans les lois sur le Droit d’auteur, et n’est donc pas limité par la clause "no derivative work"
A nouveau, toutefois, la longueur légitime d’une citation dans une critique n’est pas clairement définie, et peut susciter des litiges, avec ou sans clause "no derivative work"
En réponse à Claude Almansi :
Ce que vous évoquez avec le lien vers la page de Brad Templeton concerne le "fair use" dans le droit d’auteur américain. L’article de Brad Templeton est très bien fait et fort clair. Il souligne d’ailleurs bien les limites du "fair use" : le droit de citation et de parodie peut s’exercer tant qu’il ne porte pas atteinte aux intérêts économiques de l’ayant droit.
En france, l’équivalent du "fair use" américain est défini par l’article 122-5 du CPI que j’ai reproduit dans son intégralité en note de bas de page (5) de l’article qui ouvre ce forum.
Ces droits de libre utilisation sont définis dans le cadre des articles 9, 10 et 11 de la Convention de Berne.
Comme je l’ai également signalé dans mon article, aucun contrat ou licence ne peut restreindre ces droits. Donc vous avez raison de souligner que la clause "non derivativ" de CC n’entame pas ces droits.
Cependant il faut reconnaître que ce sont là des tolérances ridiculement étriquées et sujettes à interprétation par la jurisprudence. En tout état de cause, ces tolérances sont très loin d’octroyer les mêmes libertés qu’une licence libre.
On oublie que le droit de citation ne concerne que les textes. Pour la musique, les images et les oeuvres d’art en général, le droit ne reconnaît pas la notion de citation. Soit vous avez reproduit l’intégralité d’une oeuvre et vous êtes coupable de contrefaçon, soit vous n’en avez reproduit qu’un morceau, et dans ce cas vous avez porté atteinte à l’intégralité de l’oeuvre.
Vous trouverez ces précisions dans la FAQ de Murielle-Isabelle Cahen sur Avocat-online :
"Le droit de citation s’applique ordinairement aux textes littéraires. La jurisprudence ne reconnaît pas son application à une oeuvre d’art. En effet, copiée en entier, on a affaire à une reproduction condamnable ; copiée partiellement, il y a atteinte à l’intégralité de l’oeuvre d’art, qui ne peut être divisible." - Murielle Cahen.
Pour la musique :
"Il n’existe pas a proprement parler d’exception de courte citation en matière d’oeuvre musicale. D’où en principe le fait que les extraits musicaux quelle que soit leur durée sont soumis a autorisation des ayant-droit (auteur, interprète, producteur, éditeur). De surcroît, la mauvaise qualité des extraits peut être considérée (et a déjà été considérée par les tribunaux) comme une atteinte au droit moral de l’auteur." - Mureille Cahen.
Pour les oeuvres mixées et modifiées, voir l’article de Philippe Yvonnet, droit d’auteur et site web, sur webmaster HUB :
"Si vous êtes un as de la palette graphique, et que vous avez tellement transformé les images d’origine, que l’on ne les reconnait plus, vous en devenez le seul et unique auteur. Si, au contraire, on reconnait les images d’origine, sans autorisation des auteurs vous violez leurs droits patrimoniaux et moraux. On est dans un cas similaire aux problèmes que posent le "sampling" et les "remix" dans l’édition musicale."
Se contenter de ces petites tolérances dans les conditions actuelles de la circulation des informations sur le réseau (et même hors du réseau), revient à rejeter dans l’illégalité une majorité des pratiques d’échange et d’appropriation, pourtant courantes.
L’usage des licences libres simplifie la vie des auteurs-utilisateurs, et permet d’assainir la situation en les autorisant à copier, diffuser ou modifier des oeuvres en toute légalité et dans le respect et la reconnaissance du droit moral des auteurs.
Merci pour ce commentaire foisonnant de questions intéressantes.
Quel est l’intérêt d’utiliser des Licences Libres pour des oeuvres d’art ou de recherche ?
Une lecture que je recommanderai à ce propos, c’est l’article de Hervé Le Crosnier publié sur Vecam.org en Novembre 2003 dans le cadre de la préparation du SMSI : le modèle du logiciel Libre peut-il s’étendre aux activités intellectuelles ?
Dire qu’une oeuvre dérivée est une oeuvre autre, qui vit sa vie indépendamment de l’oeuvre dont elle s’est incorporée une copie, c’est évident. C’est vrai aussi pour les logiciels. Une oeuvre dérivée n’est pas une partie de quelque chose, mais un tout, même si son auteur n’a pas tout conçu de A à Z puique une partie du chemin était déjà parcourue par d’autres. La notion d’oeuvre commune (dans la LAL) est ce qui permet de formaliser le lien qui existe entre un réseau d’oeuvres dérivatives, sans compromettre l’autonomie de chacune.
Les licences libres impliquent l’inscription des oeuvres dérivées dans une généalogie qui risque de devenir une grille de lecture réductrice.
Oui, je comprend bien cette réticence. C’est important de se rappeler que l’alchimie créatrice est autrement plus complexe que la simple utilisation "dérivative". La mention légale qui cite la ou les oeuvres "souches" utilisées pour construire une oeuvre dérivée peut apparaître à ce titre très réductrice quand on sait la richesse et la subtilité des rapports que les oeuvres entretiennent entre elles (l’ouvrage de Michael BAXANDALL Formes de l’intention, sur l’explication historique des tableaux, Editions J. Chambon 1991, en décrit toutes les déclinaisons). C’est la raison pour laquelle la Licence Art Libre utilise le terme d’oeuvre "conséquente" (au lieu d’oeuvre dérivative), ce qui laisse une meilleure marge d’interprétation des rapports (y compris critique). Mais bien sûr, cela ne résout pas tout.
Je prolongerai ces réflexions par quelques remarques ou questions désordonnées.
1- Rien n’interdit à l’auteur d’enrichir ses références en mentionnant des auteurs ou des oeuvres dont il s’est inspiré de près ou de loin, même si légalement, il n’y est pas du tout obligé. C’est une pratique courante (et tout à fait recommandée chez les universitaires) en dehors de l’usage des licences libres.
2- Tout dépend de la façon dont les mentions légales apparaissent avec l’oeuvre. En général, les licences laissent une certaine marge de manoeuvre à l’auteur d’une oeuvre dérivative pour l’inscription des mentions légales. Il peut les faire apparaître de façon plus ou moins discrète. Par exemple, quand je vais au cinéma, je ne suis pas forcée de lire tout le générique, mais un cinéphile averti le fera.
3- Peut-on empêcher les connaissances du récepteur d’interférer avec sa perception d’une oeuvre ? Même en escamotant toute référence à des sources ? Inversement, ne pas mentionner ses sources, n’est-ce pas un apauvrissement ?
4- Et surtout, l’immédiateté de perception d’une oeuvre, l’efficacité de son impact sensible ou poétique dépend-elle de son absence d’inscription dans une généalogie ? N’est-ce pas plutôt un effet de la cohérence interne de l’oeuvre ? Même sans générique explicite, une architecture éclectique de la fin du 19ème siècle sera à mes yeux un patchwork de morceaux rapportés. L’absence de référencement ne lui donnera pas plus de fraîcheur et ne contribuera pas à rendre mon regard plus innocent.
Pour ma part, je suis assez partagée, car si je comprends bien que l’historicisme puisse devenir à la longue un boulet plus encombrant que stimulant, je suis par ailleurs de plus en plus souvent confrontée à des oeuvres ou des informations absolument inutilisables car je ne peux ni les attribuer, ni les dater ou les situer. Quel sens et quel crédit puis-je leur accorder ? J’ai bien peur qu’un énoncé sans ancrage d’aucune sorte ne soit en définitive rien d’autre qu’une imposture. Quelque chose qui cherche à s’imposer comme un fait de nature. Alors que l’acte de culture passe par le geste du don et de la transmission. Or il n’y a pas de don et de transmission sans adresse et sans attribution.
Oui, il y a potentiellement un côté vaguement darwinien de la licence dérivée, qui effectivement ne restitue pas la complexité des relations des références qui peuvent s’inscrire dans une oeuvre. Mais tu dit qu’une possibilité serait d’enrichir les références qui sont données dans la mention légale. Dans ce cas, on peut dire que la mention légale remplirait de nouvelles fonctions, qui ne concernent pas le droit.
Mentionner des sources à des fins légales, et enrichir le document de citation des sources pour qu’il ne soit pas réduit à une inscription dans une généalogie linéaire, sont deux choses complètement différentes.
J’ai lu quelque par que la version informatique des licences creative commons, permet de référencer les oeuvres selon leur régime de droit de distribution (non commerciale, par exemple), et qui permet de les différencier facilement dans une base de données.
En quelque sorte, cela tient lieu de mémoire, d’un genre particulier, égale aux informations nécessaires au traçage, définies dans les catégories du droit.
La licence remplit-elle alors un peu le rôle des puces rfid sur les produits de consommation, qui permettent à la fois de localiser ces objets dans l’espace et aussi de conserver les informations qui concernent leur production ?
pardon pour le côté confus de cette remarque, qui est une interrogation sur les outils d’archivage électronique.
A mon tour, pardon de n’avoir pas été assez claire.
Bien sûr, en disant que l’auteur peut enrichir ses références, je ne voulais pas dire que ces enrichissements devaient apparaître dans la mention légale. Elles peuvent accompagner le travail bien autrement.
Par exemple, en écrivant cet article de comparatif de licences je cite nombre de sources qui m’ont été utiles, mais l’article n’apparaît pas pour autant comme un travail dérivatif de telle étude particulière, même si je dois beaucoup à ces sources comme à nombre de discussions menées avec des tas de gens.
Autre exemple, l’album photo Salons des refusés qui est sur ce site a été placé sous Licence Art Libre. Avant la mention légale, je cite quelques auteurs auxquels je me sens redevable car je reconnais des affinités entre ce travail photographique et une partie de leurs travaux. Mais cela n’a pas un caractère officiel, car je n’ai pas utilisé directement leurs oeuvres. J’aurais pu ne pas les citer. J’aurais pu aussi en citer beaucoup d’autres. Mais j’ai choisi ceux-là parce que je les aime. Pour comparaison, le référencement de cet album photo dans la base de artlibre.org qui reprend strictement la mention légale, ne cite pas ces artistes. D’ailleurs, d’un point de vue légal il est fort probable que je ne sois pas autorisée à "intégrer" une oeuvre de Schwitters ou de Puni dans un travail sous LAL car il y a de fortes chances que leurs oeuvres ne soient pas encore dans le domaine public.
Par contre, Rebus, le travail que Robert Cottet a réalisé en croisant quelques unes de ces photos avec un travail de bobig, intègre directement une image de bobig et 4 images extraites du "Salon des refusés". Le référencement de "Rebus" fait donc clairement mention de ces travaux.
Je ne crois pas que l’on puisse confondre ce qui est inscrit dans la mention légale avec la manière dont s’écrit l’histoire d’une oeuvre. L’auteur peut, dans une certaine mesure contribuer à écrire cette histoire. Mais cette histoire est également écrite et sans cesse réécrite par d’autres, avant lui et après lui. C’est quelque chose qui dépasse le contrôle de l’auteur. C’est aussi en ce sens que Duchamp pouvait dire que « c’est le regardeur qui fait le tableau ». La meilleure chose qui puisse arriver à une oeuvre c’est d’être ravie par l’histoire, en être sans cesse réinterprétée. En regard de ce processus, une mention légale sera toujours peu de chose.
Il me semble qu’il ne faut pas surévaluer l’importance d’une licence et ne pas mélanger ce qui ressort des autorisations accordées par celle-ci avec l’impact réél qu’une oeuvre pourrait avoir dans la culture. Une licence n’est jamais qu’un outil juridique. Pour autant qu’elle fasse sens, c’est surtout comme un indicateur déontologique.
Le marquage des oeuvres par des tags, des codes attachés au fichier, ou des RFID c’est encore une autre affaire, qui est de l’ordre du contrôle et de la surveillance. Là on entre dans des considérations techniques et coercitives qui relèvent de la morale. Ces expédients sont du ressort de l’exécutif, ils tordent le cou à l’éthique.
Je préférerais m’en tenir à une position éthique, c’est à dire à un pacte que je consens de mon plein gré, et la volonté positive de respecter ce que l’autre me consent.