J’ai rêvé de Reader, mais ce n’était pas tout à fait Reader.
C’était quelque chose comme un "écriveur".
J’écrivais devant mon écran, mais le curseur ne voulait plus s’arrêter ; il avançait en clignotant.
Même quand je n’écrivais rien !
Mes silences, mes moments d’hésitation, étaient imperturbablement comptabilisés espace après espace, ligne après ligne.
Impossible de revenir en arrière.
Le texte devenait un énorme gouffre que j’essayais vainement de combler.
Le fil de la syntaxe, laborieusement conçue, était sans cesse interrompue par ces intervalles plus ou moins longs de non écriture.
Le peu de sens que j’essayais de former se délitait à mesure que je le construisais.
Les mots même, fragmentés, devenaient un bégaiement inintelligible.
Plus je m’entêtais, plus le gouffre se creusait.
J’étais comme l’imbécile qui cherche à construire un château avec de l’eau.
N’est-ce pas terrifiant ?
En me réveillant, ça allait mieux, je trouvais même l’idée plutôt amusante.
Quelques jours plus tard, en me promenant sur le blog de Red Thread(s) j’ai trouvé cette petite phrase de Marguerite Duras citée en anglais :
« There should be a writing of non-writing. »
Ensuite j’ai tout oublié, jusqu’à aujourd’hui.[1]
Mais ce matin, en écoutant parler un étudiant, je me suis souvenue que j’aime les gens qui savent intercaler des silences dans leur parole pour laisser du temps à la pensée. C’est une chose que je ne sais pas faire. Peut-être qu’un "écriveur" m’y aiderait ?
C’est qu’une fois écrit, le mot "silence" fait encore du bruit.
[1] A l’évidence, j’avais également voulu oublier le reste de la citation de Duras qui évoquait trop "les mots en liberté" de F.T. Marinetti.
Trouvé chez CityZen :
« Je navigue sur mon écran, l’oeil vif, toujours sur le qui vive, je guette les signes avant-curseur. »
o(^_^)o