Comme des bulles de savon, l’éclatement de l’un est relevé par l’éclosion des autres.[1]
La façon dont le phénomène des foules-éclair se répand, s’épuise puis réapparaît ici ou là, évoque aussi la migration des épidémies de grippe ou de gastro-entérite. Les flashmobs font désormais partie de la panoplie du marketing viral. Pour qu’un tel outil de propagation puisse garder toute son efficacité, il doit rester connoté aux valeurs d’innocence, de futilité, et de gratuité qui ont motivé les premiers flash mobs. Les flash mobs purement ludiques et désintéressés deviennent donc un vecteur, un milieu de propagation dans lequel ce nouveau virus marketing pourra s’insinuer d’autant mieux, qu’il s’y inscrira comme une forme secondaire, minoritaire, à peine discernable du milieu qui le porte. On comprend alors que la survie de la pratique des foules-éclair, dans sa version la plus "pure", "authentique" ou festive, n’intéresse pas seulement les amateurs de divertissement.
Lucidité ou lassitude
En septembre, Bill, l’initiateur des premiers flash mobs new yorkais annonçait sa décision d’arrêter d’organiser ces rencontres. A diverses occasions, Jean-Luc Raymond a signalé l’épuisement des flash mobs en france, ou leur abandon à Rouen, puis à
Nice, ou encore le désintérêt qui les affecte à Bordeaux.
Si l’abandon de New York est clairement le résultat d’une réflexion critique de la part de l’auteur initial des flash mobs, qui a su tirer les conclusion qui s’imposaient à partir des débats menés sur les blogs et les forums de discussion, alors même que les mobbers étaient encore assez nombreux pour pousuivre le jeu, l’extinction des flash mobs en France est plutôt due à la désertion des participants. Ici, c’est les mobbers potentiels eux-mêmes qui sanctionnent le phénomène par leur absence et leur indifférence.
Acharnement
Ailleurs, les foules éclair reprennent quelque vigueur. Nous l’avons vu à l’occasion du ParisMob du 4 décembre, et Nicolas, l’auteur du blog entrezeroetun nous signale qu’à Athènes, le 2 décembre dernier, une trentaine de mobbers se sont réunis dans un centre commercial pour psalmodier des prières autour d’un...mixer de cuisine[2]
Par ailleurs, nous observons que malgré un certain ralentissement de l’activité des sites de veille tels que flashmob.com ou flashmob.info de nouveaux sites, tel que xflashmobs, font leur apparition. Faut-il voir là le signe d’une volonté opiniâtre à redonner souffle et vie à une bulle vouée par sa fragilité à la disparition ?
[1] "...un autre petit putto fait des bulles de savon ; il est surmonté de l’inscription HOMO BULLA (l’homme n’est guère plus qu’une bulle)" - Ingvar BERGSTRÖM, Homo Bulla, la boule transparente dans la peinture hollandaise à la fin du XVIe sièble et au XVIIe siècle, in catalogue Les Vanités dans la peinture au XVIIe siècle, Musée des Beaux arts de Caen et Musée du Petit Palais, 1990.
[2] Attention ! la photographie reproduite dans ce lien pour illustrer l’article sur le flash-mob d’Athènes, est en fait une photographie d’un flash-mob qui avait eu lieu dans un hôtel à San Francisco. Il est vrai que cette image, à cause de sa composition concentrique, nous donne l’impression d’une foule de gens brassés dans un mixer.
Après celui du 4 décembre, à moins de trois semaines d’intervalle, Parismobs annonce encore un flash mob pour le 20 décembre, en même temps que celui prévu à Bordeaux.
Sans doute est-ce pour faire chorus avec la relance outre-atlantique qui s’annonce des plus convenues, puisqu’il s’agira là bas de venir en tenue de Père-Noël après avoir révisé ses cantiques.
Joli programme ! Déguisez vous en sapin de Noël ou en Père-Noël, apportez vos boules et vos guirlandes, faites corps avec le décor des rues commerçantes, participez à l’animation brailleuse des centres commerciaux, soyez donc coopératifs !
L’érosion de l’enthousiasme de la première vague des mobeurs parisiens est pourtant bien perceptible si l’on en juge par la décroissance sensible du nombre de récits, articles ou compte-rendus consignés sur CraoWiki entre le premier rassemblement éclair parisien, le second, le troisième et le quatrième.
Les premiers acteurs des flash mobs ont peu à peu déserté le terrain. Mais pour qu’une seconde vague d’organisateurs prenne le relais, comme c’est le cas aux Etats-Unis, ou que d’autres persistent à orchestrer des événements de moins en moins surprenants, c’est que le filon est trop intéressant pour qu’on l’abandonne.
Dans mon billet précédent je subodorais de l’acharnement. Allons ! Pourquoi tant de mauvais esprit, on fait juste la fête...