On dit que la révolution iranienne est twittée. C’est vrai que les iraniens ont ouvert beaucoup de comptes twitter ces jours-ci, beaucoup de friendfeed, de facebook et quelques googlereader aussi. On ne sait jamais, avec les filtrages intempestifs il vaut mieux avoir plusieurs points de chute. Ceux qui ont quatre mains comme Shiva et savent aussi clavioter avec les pieds se dispersent en postant leurs petites lignes un peu partout, sinon ils migrent d’un point à l’autre pour se retrouver autour des mêmes plateformes afin d’échanger ensemble des nouvelles et des liens.
Bon, moi je n’ai pas 4 mains. Et mes pieds, j’essaye de les garder sur terre. Mais pour suivre ce qui se passe en Iran il me faudrait quelques yeux supplémentaires. Ici, la presse donne des nouvelles assez synthétiques en s’assurant qu’elles sont fondées ; cela exige du temps et de la prudence. Il a fallu trois jours de manifestations pour que cette presse comprenne la stupeur et la colère post-électorale alors qu’elles étaient palpables dès le soir du 12 juin sur les blogs et les sites de partage de liens. La micro-information reflète les hésitations du mouvement en cours, les mot d’ordre relayés dans la précipitation par téléphone ou SMS avant de parcourir le web. Elle relate des faits qui ne seront peut-être jamais vérifiés, des événements perçus de façon confuse par ceux qui y sont immergés. Elle colporte les rumeurs, les peurs, les blagues, les moments de panique ou d’ébullition. Elle montre la façon dont certaines observations font mouche pour devenir récurrentes et permet de sentir comment les attentes des gens évoluent à toute vitesse.
En parcourant les dépêches, les clips et les micro-informations qui circulent sur le web persan, je mesure la distance qui sépare la presse d’ici de ceux qui là bas, sortent la nuit sur les terrasses pour scander des « Mort au dictateur ! » et des « Allah o Akbar » alors que l’air est encore enfumé par les pneus en feu. J’ai l’impression de suivre une multitude de conversations qui disent toutes la même chose : « vite ! vite ! c’est le moment ou jamais ». Parmi ce flot de micro-informations, j’attrape au vol des bribes que je poste par là avec des petits bouts de traduction ou de résumés pour le cas où cela intéresserait quelqu’un.