Loin de l’actualité des flashmobs qui se multiplient partout, j’ai passé quelques jours sous la couette pour soigner une grippe, et j’en ai profité pour terminer un roman de Ryü MURAKAMI, Parasites, (Editions Philippe Picquier, 2002, traduction Sylvain Cardonnel). L’espace du roman se tisse entre plusieurs lieux de réclusion. Réclusion dans la folie, dans le corps, dans le web, dans la ville, et dans un lieu de mémoire enfoui sous la végétation, une ruine d’abri antiaérien datant de la deuxième guerre mondiale. A la fin du roman, je tombe sur ce passage que je ne peux m’empêcher de lire en résonance avec la folie des foules-éclair :
"Un groupe d’une dizaine de garçons et de filles était rassemblé au bas d’un escalier. Ils restaient ensemble, on ne comprenait pas ce qu’ils faisaient. Ils ne réussissaient à produire qu’un bruit, un seul et unique bruit qui n’avait aucun sens. Tous se mettaient à rire au même instant. D’un rire unique. Ils se prenaient mutuellement en photo et des flashes crépitaient. Ils se partageaient des chewing-gums ou des cigarettes. Dans la foule des passants, certains marchaient en regardant leur montre. D’autres étaient immobiles à mi-hauteur des escaliers et parlaient dans un portable collé à l’oreille.
Uehara posa sa canette de Coca vide sur le sol et la contempla un long moment. Sûr que personne ne se rendrait compte de rien si j’abandonnais comme ça une canette d’ypérite, pensait-il. C’était l’hiver mais il faisait encore chaud dans les galeries souterraines de la gare. L’ypérite s’échapperait de la canette et se répandrait dans les couloirs. Il n’y avait qu’à ôter la goupille, poser la canette sur le sol et continuer son chemin. Puis revenir un peu plus tard pour contempler les oedèmes qui se seraient formés sur les corps. Uehara avait l’impression que c’était une scène que désiraient inconsciemment tous ces badauds qui le dépassaient en marchant. Sur l’affiche publicitaire, une femme, une étrangère, baissait la tête et regardait vers le bas."
Dans son postface, Ryû MURAKAMI, s’interroge sur la notion d’espoir, et termine sur ces mots :
"La société n’a pas à offrir des formes d’espoir préformatées, elle n’a pas à jouer un rôle de garde-fou. L’espoir n’est pas une chose qu’une société puisse offrir, c’est une chose que les individus doivent formuler eux-mêmes et qui reste toujours à découvrir. En d’autres termes, le Japon n’est aujourd’hui capable que d’offrir de fausses espérances sur l’avenir ou de rabâcher de grands mots creux à force d’avoir été prononcés.
Les individus contraints de vivre "en retrait du monde" refusent probablement ce monde de fausses espérances."
Alors, je me suis rappelée que je m’étais promis, après le premier flashmob parisien, de relire le livre de S. FREUD, Malaise dans la civilisation (1929). Mais je m’aperçois que j’ai souligné tant de passages, qu’il serait préférable de vous renvoyer au texte intégral sur l’excellent site de Jean-Marie Tremblay, Les classiques des sciences sociales.