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Des basses et des blouses

Une projection vidéo de Stéphanie Caramila
Publié le jeudi 4 décembre 2003 à 11:56:54 par Faustine Ferrer

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S. Caramila, capture vidéo, 11/03

C’était il y a une semaine.

Une salle presque vide, petite, une grande projection au fond, comme au bout d’un couloir, profondeur soulignée par la file de tréteaux sur la gauche.

Stéphanie, vêtue d’une blouse blanche d’infirmière, ouvre la porte de cette salle obscure. La musique est forte, évoque la rave party, une musique techno certes simple, mais réussie en ce sens qu’elle hypnotise avec une certaine violence. Une sorte de boîte à rythme. Fortes les basses ! Un rythme qui prend le coeur, nous tient, dès que la salle se referme sur nous et que le film, grand, apparaît.

Des images rapides, plans courts qui nous concentrent de manière immédiate. Et ces blouses blanches devant nous, sur Stéphanie et un complice, en docteur.

Le film est violent dès les premières images sous les pulsations mécaniques de cette boîte à rythme mise en boucle. Et pourquoi ces blouses ? Une performance sadique va-t-elle avoir lieu ?

Cette peur... Le film est cette performance sadique car il procure la peur et l’étouffement. Une cascade d’images qui nous oppresse, nous broie dans la crainte de ce qui va suivre, car tout va vite.

Ce film et ces blouses qui intriguent, comme si deux personnages étaient sortis du film, menaçants parmi nous.

J’hésite à sortir de la salle car tout cela va vite, et j’ai peur que cela dure trop. J’ai peur de "rentrer trop dans le film" ; c’est cette musique qui ne nous lâche pas.

Le film, conçu par Stéphanie comme une entrée dans une case du cerveau qui renfermerait toutes les psychoses, pathologies mentales et autres dérangements de l’esprit, semble vouloir nous montrer l’horreur sans répit. Cette superposition du visage qui semble crier (nous n’entendons que la musique, le film, lui, est muet), et du couteau ensanglanté que quelqu’un passe et repasse dans ses mains, m’a fait mal, car ces deux éléments et cette répétition, et cette musique comme un coeur pulsant fort, évoquaient la douleur, la produisaient par la répétition du geste cru, sadique, et par la présence du sang.

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S. Caramila, capture vidéo, 11/03
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S. Caramila, capture vidéo, 11/03
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S. Caramila, capture vidéo, 11/03

Tous ces éléments, et spécialement le sang, d’une couleur vive et frappante, tendent à nous "intérioriser", à nous dénuder comme des fils à l’électricité trop forte. Cette électricité passe du film au spectateur que Stéphanie considère comme le médicament, par le biais du sang et des blouses blanches.

Si je suis spectatrice, et donc médicament, je suis alors une substance, je rentre dans cette case du cerveau, et m’en emplis.

Il m’a semblé prendre en moi le mal de ce film. Cette électricité serait ce fluide, entre le mal, l’angoisse transmise, et la substance que je serais en tant que médicament.

Ce qui m’a touchée, fait rentrer dans ce film, a été de retrouver en lui des angoisses personnelles qui me semblent refléter l’état actuel de la société. Je prenais ce film comme un message sadique de la part de la réalité, mis sur ma route, comme pour me rappeler la paranoïa que procure la violence et la froideur de notre monde. Voir des gens exprimer ces choses m’angoissait, car cela me confirmait en quelques sorte, que ces choses existaient. Ces choses qui procurent l’angoisse ou en sont les produits, sont des choses, finalement, qui sont presque impalpables, et de les voir en film, était comme une mauvaise surprise. Je me sentais personnellement agressée par la confirmation que ces cris dans le vide, cette solitude cruelle, cette froideur, cette atmosphère médicale, voire chirurgicale, ont une réalité. Au fond, c’est terrorisant.

A partir du moment où le spectateur entre dans un cerveau, qu’en est-il de son propre cerveau ? N’est-il pas toujours dedans ?

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S. Caramila, capture vidéo, 11/03

NDLR : Faustine Ferrer et Stéphanie Caramila sont toutes deux étudiantes de licence, à l’UFR d’arts plastiques et sciences de l’art, Université de Paris-1.

Ce texte a été écrit le 12 novembre 2003 à partir des souvenirs laissés par la projection du film de Stéphanie Caramila qui avait eu lieu une semaine auparavant, devant un groupe d’étudiants, dans le centre universitaire de Fontenay-aux-Roses, logement provisoire de l’UFR d’arts plastiques et sciences de l’art de l’université de Paris 1.


NDLR - 2 (du 8 juin 2004) Cet article n’est pas sous Licence Art Libre et reste soumis à l’ ancienne licence de transactiv.exe.


 
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